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Les Meubles
du Pays de Rennes
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Fronton d'armoire de François Allory - Collection personnelle
Préambule,
Bibliographie et Remerciements.
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Il a été déjà beaucoup écrit sur
le mobilier rennais, notamment dans des collections générales
sur les meubles régionaux. On y trouve souvent hélas de
nombreuses approximations. On aura donc davantage intérêt
à se tourner vers les publications locales. Nous proposons ici
une bibliographie choisie des meilleurs ouvrages :
- Tout d'abord le plus ancien, "Les beaux meubles rustiques
du Vieux Pays de Rennes", livre de référence
écrit par un collectionneur passionné, le Docteur
Jambon, édité chez Plihon & Hommay en 1927, réimprimé
chez Laffitte en 1977. Ouvrage fort complet doté d'une importante
documentation photographique et qui paraît avoir fixé la
mémoire de toute une époque.
- Le plus récent, incontournable, "Menuisiers et mobilier
du Pays de Rennes" aux éditions Apogée-1997,
de Gwénaël Baron, en collaboration avec Alison
Clarke, conservatrice à l'Ecomusée de la Bintinais.
Ecrit cette fois par un universitaire, il s'agit d'un véritable
livre d'investigation puisque de nombreuses archives notariales ont
été compulsées. Cette publication nous a comblé,
c'est en effet un ouvrage passionnant qui apporte de précieux
renseignements et que nous ne manquons jamais d'offrir à nos
clients et, bien entendu, nous
en
recommandons la lecture à tous les amateurs. On y trouve entre
autre une très belle étude sur Charles Allory, une liste
des artisans élargie par rapport à celle établie
par le Dr Jambon, quelques meubles inédits également,
même si la place accordée aux photographies n'est pas prédominante.
- Le dossier de Paul Banéat, ancien conservateur du
Musée archéologique de Rennes, intitulé "Le
Mobilier Breton", aux éditions Massin en 1926, dresse
un inventaire au travers de très belles photographies en noir
et blanc.
- Dans la même veine, aux éditions des Musées de
Rennes, "Mobilier
du Pays de Rennes" de
1970 par F. Bergot et J.-Y. Veillard, respectivement conservateurs
du Musée de Rennes et du Musée de Bretagne.
- Quelques clichés inédits aussi à voir dans un
exemplaire de Vie à la campagne intitulé "Maisons
et Meubles Bretons Paysans et Bourgeois" de 1922, réédité
en 1976 chez Hachette.
- Il ne faudrait pas oublier un très intéressant article
sur les Croizé, par Jean-Yves Veillard, intitulé
: "Une dynastie de menuisiers du pays de Rennes, les Croizé", édition des Musées de Bretagne.
- Enfin, un
dossier sur le mobilier rennais auquel nous avons activement collaboré,
dans le magazine France Antiquités de janvier 2005.
- Signalons aussi et pour finir un beau livre récent, "Le
Mobilier Breton "par René Trotel, aux éditions
Coop Breizh.
Ces
livres constituent une véritable source d'enseignement,
et il n'est pas question ici de répéter ce qui a déjà
été écrit mais d'essayer modestement de compléter
certaines parties avec ce que notre expérience d'homme de terrain
nous a permis de découvrir. En effet, au
cours de nos nombreuses années de quêtes, nous avons amassé
une
importante documentation photographique provenant de quelques collections
privées, du marché de l'art et surtout de nos anciennes
collections (on voudra bien excuser la qualité inégale
de ces documents). Certains clients et amis nous ont incité à
faire partager cette documentation, et c'est ce que nous nous proposons
de faire ici, le net offrant un moyen parfaitement adapté, en
confrontant nos propres archives à celles qui ont été
éditées et en tachant d'apporter des éléments
nouveaux.
Nous
en profitons pour adresser un vif et sincère remerciement à
nos clients qui nous ont permis de poursuivre notre passion, nous les
savons comblés par les belles pièces qu'ils possèdent
aujourd'hui et celà nous ravit. Nous ne voudrions pas manquer
non plus d'évoquer la mémoire d'un personnage qui fut
justement notre premier client : Henry
Jouanolle, certains s'en souviennent sans doute encore, qui était
le grand spécialiste du mobilier rennais. Possédant dans
son magasin de Chantepie une fort belle collection ne comptant pas moins
d'une vingtaine d'armoires rennaises, il se plaisait à dire qu'il
n'en vendait pas une seule avant d'avoir au préalable trouvé
sa remplaçante. Le marchand étranger (et "argenté") qui lui proposa un
jour de lui acheter toute sa collection en un seul lot fut bien désappointé,
le bonhomme refusa tout net. Voilà
une petite histoire qui traduit la passion de cet amoureux du mobilier
rennais, nous n'en verrons plus beaucoup "de ce tonneau là".
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Qu'est
ce que le véritable mobilier du pays de Rennes?
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A
notre époque, et comme beaucoup d'autres hélas, le terme
"mobilier rennais" est un peu galvaudé et mis à
mal, soit par manque de connaissance, soit par intérêt
purement commercial. Faudra t'il créer un label ?
En effet, les meubles du département de l'Ille-et-Vilaine, généralement
tardifs et très simples, pour ne pas dire stéréotypés,
hormis peut-être pour quelques très rares meubles du pays de Vitré,
sont souvent associés aux meubles de Rennes.
Cependant, sur les trois cent cinquante trois communes que compte le
département, le mobilier rennais se circonscrit à moins
d'une vingtaine de communes situées dans un mince "croissant
fertile" localisé du nord au sud-ouest de la ville de Rennes.
Comme
le souligne Gwénaël Baron, notre historien du mobilier
rennais :
" Ce mobilier que l'on classe sous l'appellation "meuble
du pays de Rennes" se caractérise par une série de
traits bien particuliers :
-
l'utilisation du merisier.
- l'influence, au 18e siècle, des motifs décoratifs
du style savant dans le décor du mobilier du pays de Rennes ...
L'influence du décor parisien dénote en tous cas la grande
perméabilité des campagnes rennaises aux modes extérieures.
- l'existence de quelques spécificités structurelles,
la plus notable étant l'adoption de la corniche à double
cintre au milieu du 18e siècle. Ce trait, unique en France,
permet de reconnaître à tout coup une armoire du pays de
Rennes.
Ces structures
et ce décor, élaborés sur l'armoire, se sont adaptés
par la suite aux autres types de meubles. C'est cet ensemble de mobilier
si bien caractérisé que les amateurs du début
du siècle ont dénommé "mobilier du pays de
Rennes".
Une dernière particularité s'attache aux meubles du pays
de Rennes : un grand nombre d'entre eux, le plus souvent les buffet et les armoires,
sont datés et signés par leurs auteurs. Il s'agit d'un
phénomène remarquable et dont on ne connait pas d'équivalent
à une échelle aussi importante dans le mobilier régional
français.
Le "pays de Rennes" (qui se situe dans le bassin de Rennes
mais est plus limité) est donc bien loin d'être concerné
dans sa totalité... la commune de Pacé est située
au centre géographique de cette zone. Elle a abrité à
elle seule plus du quart des artisans localisés (17 sur 60)."
En
bref, le mobilier rennais, très particulier, ressemble sans doute
davantage au mobilier nîmois qu'à celui du reste de l'Ille-et-Vilaine. Pour l'anecdote, une commode de la région nîmoise est présentée
dans Le Mobilier Breton de Balnéat... Et de même nous avons acheté par le passé un lit à baldaquin rennais annoncé comme provençal par l'hôtel des ventes d'Avignon, à l'époque pourtant bien spécialisé dans ce mobilier).
Mais apportons tout de même quelques précisions et "tordons
le cou" à quelques idées reçues :
- certaines
armoires ou meubles divers, n'adoptant pas la corniche à double
cintre, peuvent être attribués au mobilier rennais.
- les meubles rennais n'étaient pas tous richement sculptés.
- le terme "brin de fougères" ne tient pas son origine
de la ville de Fougères mais de la plante (parquetage en adoptant
la forme).
Enfin,
voici pêle-mêle un florilège de meubles dont l'attribution
donnée au pays de Rennes peut être formellement rejetée.
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Par simple indulgence, nous préférons
déroger ici à la règle d'indiquer les sources
de nos photos, signalons simplement qu'elles proviennent du net.
Nous voyons bien plutôt ici pêle-mêle
du mobilier des pays de Vitré, Fougères, Combourg, Dinan...
et même des confins du pays nantais (6 et 7) et jusqu'à Loudéac (9).

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La
grâce de l'armoire Rennaise.
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Si
la renommée du meuble rennais a dépassé les frontières
de la Bretagne, l'armoire en est bien entendu l'élément
emblématique, c'est aussi le meuble principal, bien souvent offert
aux jeunes époux. Durant la période prospère allant
environ de la fin du XVIIIe siècle au premier tiers du
XIXe siècle, les plus beaux spécimens se sont hissés
au rang des plus riches meubles régionaux Français. On
ne dédaigne pas d'ailleurs de les comparer aux provençales et languedociennes, arlésiennes et nîmoises. Elles
ont sans doute la même grâce, la même douceur dans
le grain du bois, la même capacité à capter la lumière,
à se patiner au fil des ans. Mais entre toutes, l'armoire rennaise se distingue par sa corniche double
cintre si particulière. On n'en connait pas d'équivalentes
en France coiffant les armoires. De nombreuses hypothèses
ont été formulées sur son origine, sans jamais
vraiment apporter de réponse documentée.
Au
XVIIe siècle, le Baroque a
influencé le goût français, en premier
lieu l'architecture puis
le mobilier. Forclos de Paris, il nous est venu par les grands ports de France et la situation
particulière de la Haute-Bretagne, située entre deux des
premiers ports de commerce français de l'époque, Nantes
et Saint Malo, qui subissaient conjointement l'influence de l'Angleterre,
des Flandres et de la Hollande, n'a pu être sans apports. C'est
incontestablement à ce style venu de la mer que les menuisiers
du pays rennais ont emprunté la fameuse corniche à double
cintre.
Diverses photos, reproduites ci dessous, pour illustrer ce propos :
deux meubles du début du XVIIIe siècle à
corniche en double arc ou double cintre, le premier est un buffet flamand
et le second un bureau-cabinet anglais. En dessous, l'interprétation
qui en a été faite à Saint Malo, qui échangeait
beaucoup avec les Flandres, puis à Nantes qui commercait à
la fois avec la Hollande et l'Angleterre. Au centre, une
armoire de Rennes du milieu du XVIIIe siècle,
la parenté est évidente.
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Buffet flamand
- Début XVIIIe
La Gazette Drouot |
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Scrinan anglais
- Début XVIIIe
Le monde fascinant des antiquaires-Celiv |
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Armoire rennaise - milieu
XVIIIe
Styles régionaux- L'illustration
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Buffet Malouin
- Milieu du XVIIIe
Mobilier Breton - Ch. Massin |
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Scriban nantais - Milieu
du XVIIIe
La Haute Bretagne-Massin |
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Autre
particularité de l'armoire rennaise, le travail de sculpture.
Il est bien entendu d'autres régions prospères où
l'armoire de mariage atteignit des sommets de virtuosité, il
faut citer Fécamp et Beaubec la Rosière en Haute-Normandie, Bayeux et Vire en Basse-Normandie, Arles et Nîmes en Provence et Languedoc, la région lyonnaise... Il est entendu qu'il n'est
pas question de comparer l'armoire rennaise à l'armoire normande
par exemple, sujet trop général, et qu'il convient
plutôt d'établir des comparaisons avec un centre de production, tel
le bocage virois par exemple. Or, dans tous ces centres de fabrication,
où le nombre de sculpteurs était au moins aussi important
qu'en pays rennais, on n’observe pas la même variété
des décors. Bien souvent, les formes varient peu, les mêmes
poncifs sont souvent répétés et enfin, la qualité
du travail, si elle est certainement plus égale, est aussi beaucoup
plus stéréotypée. Une armoire rennaise, par contre,
ne ressemble pas à une autre, sauf cas de deux pièces
fabriquées par le même auteur et à seulement une
année d'intervalle. Alors pourquoi cette singularité?
Il y a sans doute conjonction de plusieurs causes. D'une part, nous
le savons, en pays rennais, les ateliers étaient fort modestes
et la plupart des artisans travaillaient seuls ou avec un unique apprenti,
il y avait donc ainsi moins d'interactions entre les sculpteurs, et
d'autre part bon nombre d'artisans n'étaient pas de véritables
professionnels au sens strict du terme mais, comme l'a souligné
Gwénaël Baron, exerçaient une double activité.
Enfin, on doit bien entendu pouvoir mettre cette singularité
en corrélation avec une autre : L'armoire rennaise est très
souvent signée et datée et on ne connaît pas d'autre
région où la signature soit à ce point répandue.
Il semble donc bien y avoir aussi volonté de se singulariser,
comme nous allons le voir avec les Croizé.
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ANTIQUITÉS PHILIPPE GLÉDEL – TOUS DROITS RÉSERVÉS. 1998/2025
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