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ARMOIRE
DE MARIAGE RENNAISE
SIGNÉE TULOU ET DATÉE 1777
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Exceptionnelle
armoire rennaise de mariage de style Régence à corniche
double cintre en merisier richement sculpté, signée Jacques Tulou et datée 1777.
Travail
du Pays de Rennes de la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Cette armoire appartient à l'âge d'or du mobilier du Pays de Rennes et elle se distingue par un très riche répertoire
ornemental issu de la Régence fait d'arabesques, de courbes et contre courbes, traitées dans une ordonnance encore parfaitement symétrique .
S'y déploie un luxuriant jeu de de bandes, de mouvements en S et en C feuillagés ou festonnés, de guirlandes de fleurs, le tout centré de fleurons, de culots, de cartouches et de coquilles en palmettes godronnées à bordures déchiquetées.
A l'instar de son proche confrère Julien Dondel, Jacques Tulou est l'un des rares sculpteurs à avoir parfaitement assimilé la Régence dans son travail. On lui remarque quelques particularités : Pour le bâti, une corniche relativement peu épaisse et en faible saillie par rapport aux traverses, toujours sommée d'une coquille en fronton, et une traverse basse non sculptée. Pour la sculpture, un quadrilobe dans le panneau central et presque toujours deux autres panneaux librement sculptés, le motif principal étant la coquille en éventail.
Il est considéré comme l'un des plus grands sculpteurs du Pays de Rennes.
État :
Très bel état d'origine de l’ensemble,
quelques petites restaurations d'usage.
Ce meuble a été l'objet d'une restauration complète et approfondie,
et sa patine profonde d'origine, ravivée par un polissage
et
une mise en cire
méticuleuse, est absolument superbe.
Petite dimension à signaler, d'à peine plus de 2,25 mètre de haut,
soit très en deçà des mesures habituelles des armoires de Rennes.
Assemblage du bâti à tenons,
mortaises et chevilles,
fonçures (dos - plancher - plafond - étagères) en
bois de merisier et châtaignier.
Pour les garnitures, quatre gonds épais en fer, deux
entrées de serrure
en fer ouvragé à tête de cygne et une grosse serrure
en fer, avec sa clé,
plus entrée, serrure et clé du tiroir intérieur, le tout
d’origine
et en parfait état.
Dimensions :
hauteur 2 m 27, largeur 1 m 41, profondeur 0 m 62.
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L'armoire, vue de trois quarts, accrochant la lumière et dégageant puissance et harmonie.
A noter l'importance de la mouluration, héritage "du Grand siècle" et une traverse basse vigoureusement découpée mais dépourvue de sculpture. Souhaitant mettre ses panneaux en valeur, l'artisan a fait ici le choix de laisser quelques zones libres où se repose le regard.
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Vue rapprochée sur le décorum de la façade.
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La corniche à double cintre est moulurée et sculptée d'une large bande de feuilles d'acanthe imbriquées délimitée par un rang de dents de loup.
Elle est surmontée d’un fronton découpé à décor d’une large coquille au naturel d'où s’échappent deux feuilles d'acanthe nervurées.
La traverse haute, qui adopte le mouvement cintré des portes, est moulurée d’un baguette demi-ronde et richement sculptée de culots à crossettes et de motifs en S godronnés et ourlés en festons.
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Sur les portes, les trois panneaux, mis en relief par une plate bande et par des traverses soulignées de puissantes moulures saillantes et de larges gorges concaves et convexes, sont sculptés dans une ordonnance équilibrée en parfaite correspondance avec ce qu'il est convenu de nommer la Régence symétrisée.
Sur ce panneau supérieur, à peine contenu par un jeu de bandes, se déploie sur toute la surface disponible et sans effet de masse un large décor amorti d'une coquille godronnée et déchiquetée épaulée de chutes florales, avec un jeu de motifs en C encadrant des culots, des cartouches, des feuilles nervurées.
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Le panneau central, mouluré d'un quadrilobe, est également très richement sculpté : A l'intérieur, d'une coquille godronnée, étirée et déchiquetée, de mouvement en C affrontés agréments de culots et de feuillage. A l'extérieur, de cartouches à
fonds mosaïqués et bandes feuillagées.
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Le panneau inférieur où se déploient avec souplesse fleuron, culots, enroulements de tiges de feuillage et fleurettes autour d'une coquille en aile de chauve-souris.
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Autre vue rapprochée sur la façade permettant d'apprécier toute la qualité et le relief de la sculpture : le coup de ciseau est habile, le tracé plein de souplesse et de maîtrise, l'outil affûté entrant dans le tendre bois de fil n'a pas laissé de traces et le poli est superbe, la sculpture, foisonnante mais aérée, est très fouillée et en fort relief.
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Les côtés en merisier sont compartimentés en cinq panneaux moulurés décreusés de plates bandes et traverses moulurées de quart-de-rond. Les épais montants à coins arrondis
sont sculptés
dans des réserves de fleurons et de motifs en rappel de la traverse supérieure. Ils sont ponctués de pieds massifs légèrement galbés.
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L'armoire ouverte : intérieur avec dos, plancher et plafond d'origine. Trois étagères en merisier et châtaignier, celle du centre munie d'un tiroir en merisier fermant à clé. Une cachette est en outre ingénieusement dissimulée entre le tiroir et le côté du meuble. C'est un détail que nous retrouvons presque exclusivement sur les plus beaux exemplaires du pays de Rennes (...et on comprendra "aisément" pourquoi).
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L'armoire de dos : montants arrières en merisier et dos en châtaignier.
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DOCUMENTATION
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Dans
la région rennaise, le nom de Tulou (indifféremment orthographié
Tulou ou Tullou) est associé à une famille de sculpteurs
qui jouit d’une très grande réputation. En effet,
au côté de celui des Croizé et Allory, le nom Tulou
figure parmi les trois plus célèbres. Ainsi, dans son
livre paru en 1927 et consacré au meubles du pays de Rennes,
le docteur Jambon les place particulièrement en exergue. Citons
trois passages de l’ouvrage :
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Mais alors que l’on en connaît
les raisons pour ce qui concerne les premiers (on considère que les plus beaux meubles
rennais fabriqués sont ceux des Croizé
sur quatre générations et les Allory sont bien connus
pour ceux de Charles Allory qui a marqué les esprits
en signant presque toutes ses œuvres) l’origine d’une
telle renommée se rattachant aux Tulou peut apparaître plus
étonnante puisqu’on ne connaît que très peu d’ouvrages
signés de leurs mains. On doit certainement et tout d’abord
voir des causes de cette réputation de par la généalogie
familiale, justement prise en exemple par le Docteur Jambon :
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Cette transmission du métier de menuisier-sculpteur
sur six générations fait des Tulou la plus longue dynastie
connue. Elle commence avec l’apparition des premiers meubles du
style rennais vraiment abouti, ainsi l’armoire signée Jehan
Tulou et datée 1759 conservée par les Musées de
Rennes qui prend place parmi les plus anciennes connues, et la génération
Tulou est encore présente à la fin de la fabrication.
Et sans doute aussi, la personnalité de Raphaël Tulou,
qui fut l’un des derniers sculpteurs du mobilier du pays de Rennes,
n’est pas sans incidence sur la renommée familiale encore bien vivante.
Tulou Raphaël Baptiste Joseph, dit Raffig
Tullou (1909-1990) : Artiste rattaché au fameux groupe "Ar
Seiz Breur" (Les sept frères), en tant que décorateur il a collaboré avec l'architecte malouine Yves Hémar, sculpteur tant sur bois (meubles celto-bretons) que sur pierre (auteur de la statue de Nominoë à Bains sur Oust), personnage fantasque enfin, féru d’ésotérisme et
de légendes celtiques, et qui se faisant appeler sous le nom druidique
(druide, il l'était en effet) de Nven Lewarc’h (Lewarc’h le jeune).
Si près de huit artisans
répondant au nom de Tulou ont été recensés,
l’étrangeté vient du fait que paradoxalement bien
peu de leurs œuvres
l’ont été. Ils ont pourtant dû produire un certain nombre d'armoires mais il est vrai que beaucoup, parmi les premières armoires fabriquées, ont disparues, et l'on peut supposer que certains de la jeune génération ne signaient pas tout, car il faut rappeler qu’il existe de nombreuses armoires rennaises non signées, y compris parmi les plus richement sculptées. Ainsi en est-il d'une armoire
de l’ancienne collection Jouanolle (notre prédécesseur,
ancien grand spécialiste du mobilier rennais), modèle datant en effet
du milieu du XVIIIe siècle, et que l’on peut attribuer
à Jacques Tulou lui même, mais plus précisément sans doute vers 1760 :
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Nous
pouvons voir tant dans cette armoire que dans celles de 1772 et de 1780,
et enfin dans cette dernière armoire de 1777 (notons qu'une seule autre armoire signée Jacques Tulou -soit donc quatre au total- nous est connue, cette dernière datée de 1778 / Voir sur notre page consacrée au mobilier du pays de Rennes), les véritables justifications de la renommée des Tulou, soit une magistrale qualité
du décor et de son exécution. Le dessin est en effet superbe,
la sculpture d'une très grande qualité, très fouillée et parfaitement bien dégagée. Assurément
Jacques Tulou est de ceux qui ont mené, avec Charles Croizé
et quelques autres, le mobilier rennais à son apogée.
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Nous
savons que le style rennais est issu de la venue de sculpteurs ornemanistes
parisiens et de l’interprétation locale des ornements "à la Jean Bérain" puis de
la Régence…
Comme le suggérait déjà le Docteur Jambon, de nombreux
artisans de la capitale sont venus travailler à Rennes à
partir de la fin du XVIIe siècle et ont notamment contribués
à la décoration du Parlement de Bretagne. Ils ont formé
localement des apprentis mais il fort possible que certains de ces maîtres-sculpteurs
soient demeurés à Rennes. Pouvons-nous y voir l’origine
des Croizé et des Tullou (noms répertoriés justement,
en dehors du pays de Rennes, uniquement à Paris) dont les dons
de sculpteur n’en finissent pas de nous étonner ? C’est
une hypothèse qui peut sérieusement être avancée...
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