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Commode-Régence-tombeau-à-pont-estampillée-IB-Jacques-Denizot

 
 

COMMODE RÉGENCE A PONT ESTAMPILLÉE I.D.

 
   

 

Cette rare commode, galbée en plan et en élévation, ouvrant par quatre tiroirs sur trois rangs, dite en tombeau ou à la Régence, s'inscrit cependant dans un groupe beaucoup plus restreint des commodes dites à pont et à moustaches, avec de plus une attache des chutes d'angle placée très bas rappelant les modèles en sarcophage, et enfin dans le cercle, encore plus confidentiel, des commodes fabriquées à l'unité.

Elle est coiffée d'un marbre Rouge Royal mouluré d'un bec-de-corbin et parée d'une ornementation de bronzes ciselés et dorés de grande qualité : tirants à figures d'espagnolettes, entrées de serrure aux sphinges adossées, mascaron au Bacchus souriant, espagnolettes aux indiennes, sabots étirés de feuilles d'acanthe et enfin cornes d'abondance godronnées. On y retrouve les lignes basses et, sous forme de cannelures de laiton, les divisions horizontales du style Louis XIV, en façade sous chaque rang de tiroir et en côté au niveau du rang supérieur. On note bien entendu le très inhabituel double ressaut en arc du tiroir inférieur, une forme inventive en trompe-l'oeil de deux tiroirs égaux en ressaut.
Ce qui fait cependant la grande spécificité de cette commode, c'est l'essence dont elle est entièrement plaquée, en feuilles sur le bâti, en marqueterie de frisages sur les tiroirs et les côtés, un bois au nom charmant que l'on a très peu l'occasion de rencontrer, et plus rarement encore sur l'intégralité d'une commode : le bois d'amourette*.

Le bâti de la commode est pour sa part typique des plus beaux modèles de la Régence, en conifère de qualité pour l'essentiel mais en noyer** pour les tiroirs finement montés à encastrement***. A remarquer également le coquet badigeon rose pâle couvrant les fonçures du meuble, typique de la période Régence.

 

Cette commode se présente dans un rare état d'origine (aucun accident notable à signaler), avec tous ses bronzes d'époque délicatement ciselés et dorés, son marbre d'origine avec tranche arrière découpée au ciseau et chant débité à la scie à eau ainsi que ses anciennes (et semblables) serrures actionnées par une clé d'époque, un superbe état d'origine sublimé par une très délicate restauration et un vernis au tampon.

 

Estampillée I D pour Jacques Denizot

au sommet du montant avant gauche.

 

 

 

Travail parisien de la fin de l'époque Régence,
circa 1725 - 1730.

 

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Jacques Denizot (1684 - 1760), est un ébéniste parisien encore mal connu, comme le sont beaucoup des premiers ébénistes parisiens nés à la fin du XVIIe et qui travaillaient avant l'usage de l'estampille, tels Lieutaud et Mallerot que nous avons eu l'occasion d'évoquer. Il fit dès 1700, et comme son frère Guillaume après lui, son apprentissage chez Pierre IV Migeon, et produisit dans sa carrière essentiellement des commodes Régence et du début du Louis XV. On s'accorde généralement à trouver une parenté entre son travail et celui d'Etienne Doirat ainsi que de Noël Gérard.

LE MOBILIER FRANCAIS DU XVIIIe SIÈCLE - PIERRE KJELLBERG

 

LES ÉBÉNISTES DU XVIIIe SIÈCLE - COMTE FRANCOIS DE SALVERTE

 

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* Le bois d'amourette, ou bois de lettre, lettre moucheté ou encore bois serpent en Guyane ( mais qu'il ne faut pas confondre avec le bois serpent véritable du Brésil) et encore palo de oro, leopard wood... est un bois précieux guyanais de la famille des Moraceae qui doit son nom à son aspect tacheté ou tigré de noir sur ton de rouge-brun évoquant une peau de léopard ou de serpent. Ce bois très dense (il ne flotte pas) est particulièrement lourd et dur, avec un fort effet désaffûtant, ce qui n'empêche pas qu'il puisse être amené à un lustré splendide.

 

** Propos de l'Etude Berger et Associés tirés du descriptif d'un bureau plat Régence donné pour "Travail parisien dans l'entourage de Noël Gérard" circa 1720 :
"Le bâti en résineux (essence composant notre bureau) est caractéristique des fabrications des ébénistes parisiens de la période Régence, habitude de construction issue de la période Louis XIV. Quelques années après les bâtis seront en chêne.
L'utilisation de noyer pour la construction des tiroirs de notre bureau témoigne d'une part d'un travail bien parisien et d'autre part d'un travail soigné : meuble de commande. Sur des bureaux ordinaires, les tiroirs seront soit en chêne...
Avec la pénurie du noyer consécutif au grand gèle de l'année 1709, le noyer sera remplacé par du chêne, dans les années suivantes."

*** Rappelons que le montage en feuillure ou encore à encastrement, typique des maîtres parisiens, est signe d'une fabrication soignée, et qu'il procure l'avantage de faire glisser le tiroir tout entier sur un plancher sur toute la surface de son fond, rendant inutile la pose de coulisseaux et épargnant ainsi à long terme tout risque d'usure des bords de traverses intermédiaires.

   
 

 

 

 
 
 
 

 

 

 
 

Commode-18e-Régence-parisienne-placage-amourette-estampillée-Jacques-Denizot

 
 

Dimensions : 0,82 m de haut x 1,30 m de large x 0,65 m de profondeur.
 
 


 
 
 
 

 

 

 
 

Commode-18e-Régence-estampillée-IB-ébéniste-Denizot-bronzes-ciselés-dorés-meuble-parisien

 
 

La commode en vue plongeante.

 
 


 
 

 
 

Le plateau de marbre en vue du dessus.

 
 


 
 

Commode-de-château-Régence-18e

 
 

La commode vue de trois quarts gauche.

 
 


 
 

 
 

Vue rapprochée de trois quarts gauche.

 
 


 
 

 
 

Détail sur les chutes de bronze et les figures marbrées de l'amourette sur le bâti.

 
 


 
 

 
 

Vue du côté droit (avec quelques reflets sur le vernis).

 
 


 
 

Bronzes-bacchus-espagnolettes-ciselés-dorés-Regence-Commode

 
 

Détails des bronzes d'ornement : On pourra noter la parfaite similitude des entrées de serrure
aux sphinges, des espagnolettes supportant les poignées et enfin des chutes en espagnolettes,
avec celles de la commode du musée Carnavalet reproduite ci-après
(ainsi que les dimensions quasi semblables des deux modèles).

 
 


 
 
 
 

Détails des très rares et novatrices découpes du bas de caisse de la commode.

 
 


 
 

 
 

La commode, tiroirs ôtés.

 
 


 
 
 
 

Les deux tiroirs du rang supérieur et leur montage très soigné.

 
 


 
   
 

Le plancher et le dos de la commode, également dans un impeccable état.

 
 


 
 

 

 

 
 
 
 

 

DOCUMENTATION

 
 

 
 

Semblables espagnolettes, poiugnées de tirage et entrées de serrure sur cette commode de Carnavalet.

 
 

 
 

Documentation LE MOBILIER DU MUSÉE CARNAVALET - Anne Forray-Carlier / Éd. Faton

 
 

 
 

Documentation Argus Valentine's - Commode plaquée d'un bois nettement plus courant et à la forme beaucoup plus standard.
(Il nous semble que cette dernière soit la commode qui illustre le Kjellberg).

A noter que le musée Jacquemart-André (Chaalis) conserve une autre commode en tombeau estampillée Jacques Denizot.

 
 

 

 

 
 

 

"ESPACE DÉTENTE"

 
   

 

Après le temps des Denizot, un mot sur celui qui va à volo...

Nous entendons bien (trop!) souvent parler de budget, alors parlons-en (tiens!) : Amusons-nous, avec cette commode (rare, de très belle qualité, et délicatement restaurée), à un petit calcul (et notamment pour ceusses qui préfèrent acheter en salle des ventes "parce que c'est moins cher"). Sachant qu'entre doreur et ébéniste un particulier s'en tirera difficilement (pour peu, bien entendu, qu'il fasse appel à des artisans doreurs et ébénistes honnêtes et surtout dignes de ce nom*) à moins de 7.000 euros (pour une commode achetée en bel état de conservation, précisons-le bien). Il lui faudra donc l'acquérir en vente publique (où on se donne de moins en moins la peine d'engager un expert...**...mais où paradoxalement les frais augmentent d'année en année) pour moins de 10.500 euros au marteau (nous parlons bien d'une authentique commode Régence "à pont" et "à moustaches" estampillée Denizot, et celle-ci en placage de bois d'amourette SVP) soit, (en estimant les frais au cours moyen de 25%) 2.625 euros + nos 7.000 de factures d'artisans qui font 20.125 euros... Budget dépassé, et d'autant qu'il aura fallu la chercher un peu tout de même, la commode en amourette (et oui), et qu'une fois achetée elle ne voyagera pas toute seule (et non), et ne sautera pas non plus (et son marbre pas davantage) dans la voiture, que ce soit pour aller chez l'ébéniste ou pour arriver enfin (je dis enfin car bien des mois ont passés) dans le lieu choisi pour elle... autant de frais supplémentaires qui risquent de grever encore le budget, fixé à 20.000 euros (oui je sais c'est arbitraire mais n'est ce pas justement la convention même du budget que de l'être... Et ça tombe bien, 20.000, c'est justement le prix de ma commode). Ayons tout de même à ce stade une pensée empathique et magnanime pour la jeune clientèle qui, avec ce budget, peut à peine se payer une paire de chaises industrielles en tôle et contreplaqué (oui, j'ai bien dit : tôle et contreplaqué) de l'architecte de l'habitat préfabriqué J.P. (pour ne pas le nommer).

* Il y aurait aussi beaucoup à dire la dessus. Sans trop entrer dans les détails contentons-nous de dire que par exemple il y a véritable vernis au tampon et vernis polyuréthane, éventuellement recouvert d'un glacis de vernis-tampon pour faire illusion (pour ceusses qui préfèrent les meubles plastifiés) et comme on en voit même sur les quais de Paris hélas!

** Et il conviendra par exemple de ne pas se laisser griser par ce genre d'annonce (que vous auriez pu voir le 28/9/2022) d'une commode (confortablement dans la fourchette du fameux budget puisqu'estimée entre 6 et 8.000 euros, hors frais de vente restaurations et tout le reste, bien entendu) annoncée par ailleurs "Régence" et d'Antoine Mathieu Criaerd (né vers 1724, soit un an après la fin de la période Régence),

 

   
 

 
   

 

une commode au descriptif particulièrement alléchant (j'ai la faiblesse de le croire, et ce d'autant que j'en suis intégralement l'auteur *, hormis toutefois ce qui concerne la notice sur Criard, soit les deux premières lignes / d'ailleurs tant qu'à faire on le nommera plutôt Criaerd, et c'est ainsi qu'il inscrivait lui-même son nom sur le fer de son estampille), mais non pas engagé par l'étude pour cette commode, que nenni, travaillant bien comme à mon habitude pour mon propre compte au descriptif d'une toute autre large commode mesurant (véritablement) 1,50 m estampillée de Michel Mallerot.

Non, soyons sérieux une minute et regardons plutôt le prix d'une véritable commode Régence de qualité et dans un bel état de conservation, telle que celle-ci vendue par la salle des ventes de Chinon 19.200 euros (hors frais de vente et restaurations), commode attribuable à Denizot, non estampillée et moins élitiste que la nôtre, tant par le placage qui la recouvre que les chutes de bronze plus communes, les découpes du tiroir inférieur et du tablier moins élaborées.

Documentation www.christophe-herbelin.fr/resultats-des-ventes

* Sans doute une relation de cause à effet entre le goût (immodéré) de certains opérateurs de salle des ventes (entre autres) pour ma prose et la rédaction de ce petit article n'est peut-être par fortuite.

Voir ici : T-Commode-parisienne-Regence-estampillee-Michel-Mallerot.html

On remarquera que j'avais pris soin de donner ma commode comme "de la fin de l'époque Régence ou tout début du Louis XV", alors que cette fois nous avions affaire à un ébéniste né, pour sa part, en 1675, soit âgé de 50 ans à la fin de la Régence. On notera donc que près de deux générations séparent ces deux ébénistes, ce qui n'est pas rien.

Si nous n'avions fait immédiatement supprimé ce copié-collé (avec les plates excuses -bienvenues- de Monsieur Guilmoto) résultant du "travail" d'un stagiaire (nous n'avons pas évoqué sa corpulence mais tout de même j'ai trouvé qu'il avait le dos large) l'acheteur de ladite commode serait en droit de s'interroger : pourquoi cette "large" commode ne mesure qu'une taille standard d'1,30 m, pourquoi elle n'est pas galbée en plan comme annoncé, pourquoi on n'y voit pas de frisage en diamant sur les côtés, pourquoi le marbre n'est pas un vieux Rance tel que désigné, pourquoi il n'est pas épais de 28 mm, pourquoi le tablier est loin de mesurer 40 cm et qu'on n'y voit pas les fameuses "ailes de dragon", pourquoi les poignées ne mesurent pas 31 cm et enfin les entrées de serrure, loin sans faut, les 16,5 cm annoncés, pourquoi encore les fonds de tiroir ne sont (très probablement) pas en noyer, et cetera.

 

   

   

 

On comprendra que dans certaines études, s'il n'y a déjà plus d'expert, il n'y a même plus de Commissaire-Priseur (on appelle cela la libéralisation du marché). Un peu plus tard nous aurons l'occasion de lire un descriptif de cette même étude qui nous semble être littéralement "tombé du ciel"... Nous nous sommes permis d'intervenir sur ce document, non plus en tant qu'auteur mais en tant que correcteur, en surlignant en rouge tout ce qui est inutile, présomptueux, mal orthographié (ce dernier élément est à prendre comme un indice : probablement pillé sur le site Proantic donc) ou pure fantasmagorie... c'est beaucoup, et encore, les côtés de la commode n'étant pas visibles, nous ne sommes pas intervenu sur cette partie du descriptif).

 

   

   

 

Ne comptez pas trop (parmi tant d'autres choses) sur des facilités de paiement, et même désormais, comme ce jeune commissaire-priseur (qui commence très très fort dans le métier) nous en fait la démonstration, attendez-vous à ce que votre nom soit jeté en pâture à la vindicte publique (plus délicat, et ce à maints égards je crois, nous l'avons flouté sur le document) et inscrit au (fameux) fichier ***, pour peu que vous ne payez pas le meuble présenté par un C.P. dont vraiment la suffisance n'a d'égale que l'ignorance (à moins qu'il ne s'agisse d'une simple insolation ?) et qui, croyant s'y connaître, fait l'économie de l'expert qui lui fait tant défaut****. Il n'est pas question de mettre tous les commissaires-priseurs (pas davantage que tous les antiquaires) dans le même panier, ainsi par exemple chez Maître Briscadieu à Bordeaux, on vous vendra des meubles bordelais pour ce qu'ils sont, et vous bénéficierez de l'avis d'un expert.

*** Petite anecdote personnelle : Me Couton, C.P. à Nantes, après que je lui eu refusé le paiement de l'enchère d'une petite armoire nantaise en acajou et citronnier (achat au téléphone sur photo gazette en noir et blanc où se distinguait un défaut sur l'un des panneaux au sujet duquel je l'avais questionné / Il me fut répondu que le flash au moment de la prise de vue devait en être la cause / Il s'avéra de visu que le panneau était brûlé et que, pour parfaire le tableau, la corniche de l'armoirette était neuve), Me Couton donc, se proposa de m'inscrire aussitôt au fameux fichier Temis, avant d'abandonner (derechef aussitôt) le projet en déclinant le coup de pied au cul que je lui proposais en échange. Visiblement pas encore à l'époque (c'est une vieille histoire) sensibilisé au système d'échange alternatif local!

 

   

 

 

Et, tout comme votre serviteur, il est d'une limpide évidence que Madame X a été fort bien avisée de ne pas payer son bordereau :

Non pas parce qu'il lui manque une poignée et que que ceci n'est pas mentionné.

Non pas parce que ses quatre pieds sont greffés et que ce défaut (déjà pourtant quasi rédhibitoire) ne l'est pas davantage.

Non, tout simplement parce que cette commode (cironnée de haut en bas) n'est EVIDEMMENT pas en acajou tel qu'annoncé mais

en cerisier (ce qui fait une grande différence)...ET D'ACAJOU, IL N'EN EST PAS UN SEUL MORCEAU SUR TOUTE LA COMMODE!

 

 
 

 
   

 

Une commode de laquelle tout amateur avisé préfèrera détourner bien vite son regard vu l'état pitoyable dans lequel elle nous est parvenue (c'est sans doute pour cela qu'elle en est à son troisième passage en vente, ce qui vaut à cette pauvre Madame X de voir son nom et son lieu de résidence exposés pour la seconde fois). Ajoutons à celà un plateau postérieur (ce qui est annoncé / alors que nous le croyons d'ailleurs simplement sévèrement raclé sur son parement, cette commode ayant visiblement été anciennement restaurée par un gougnafier) et disons tout net qu'elle ne vaut dès l'ors guère mieux que le prix de sa bien ordinaire (et hélas incomplète) garniture de bronze... Peut-être la retrouverons-nous un jour sur le site Proantic, qui sait au prix (attractif) de 2.950 euros ? Et où l'on pourra lire au descriptif du "professionnel" (tel que nous avons eu -hélas!- plusieurs fois l'occasion de le lire) : "magnifique" (ça n'engage à rien) commode en acajou de Cuba "expertisée par un commissaire-priseur" (... ou son "stagiaire", et pourquoi pas par un crieur de salle des ventes)...

 

   
 

**** Encore faudra t'il bien se garder de l'avis de certains experts, en particulier d'art asiatique, à l'image de Monsieur Vincent L'herrou qui, après avoir estimé dans la fourchette de 800 à 1.000 euros (on voit d'ailleurs cette estimation "doublée" après coup à 2.000 euros, ce qui n'en finit pas d'être amusant) un exceptionnel vase impérial de 54 cm de la première moitié du XVIIIe (aux neuf dragons à cinq griffes. Du jamais vu!) vendu 9,1 millions d'euros, Monsieur VINCENT L'HERROU donc, aggrave son cas en soutenant avec une rare insolence (qui n'a d'égale que la poltronnerie qui lui a suggéré de se couvrir de l'anonymat... anonymat négocié contre l'abandon définitive de sa commission, on peut sans peine le deviner), en soutenant (et le bruit absurde qu'il fait courir impunément se propage dans toute la France hébétée) que le vase est une copie XXe et que la dizaine de chinois encore enchérisseurs à 5 millions d'euros n'y entendent rien à l'art asiatique... Une nouvelle expression pourrait voir le jour : L'herrou est humaine. Maître Osenat, "ne se sentant plus de joie", ne manquera pas de noter qu'il aurait pu tomber pour rien dans les mains d'un brocanteur (brocanteurs déjà bien "enterrés", était-il utile de leur jeter la pierre... pour rien, et brocanteurs qui ont constitué le fond de sa clientèle pendant bien des années... quand je parlais de la délicatesse de ces Messieurs). Et d'ajouter qu'il y voit la justification de son beau métier qui permet à un objet de faire "le vrai prix". Vu la présentation de l'objet, j'y vois personnellement plutôt la justification de l'internet (qui permet aux acheteurs de vases impériaux de repérer depuis la Chine des objets complètement dédaignés par nos salles des ventes).


 
 

record-vase-chinois-imperial-Fontainebleau

 
 

Extrait du catatalogue de la vente - Extrait de l'article de La Gazette Drouot...........

 
 


Toujours délicat, j'allais encore ajouter qu'il ne faut pas mettre tous les experts dans le même panier, bien entendu, mais s'agissant d'art asiatique je puis vous dire que "les premiers de la classe" (Portier, Ansas, Delalande... Ah ce cher Delalande, "une synthèse!") n'auraient probablement pas été plus brillants (comme ils le furent à maintes reprises et notamment quand je leur présentais -argumenté par un épais dossier d'expertise personnelle qui m'avait demandé une année de recherches- des œuvres impériales du règne de Yongzheng -achetées dans une vente aux enchères où elles étaient décrites comme des reproductions- œuvres qui ne les intéressèrent pas le moins du monde : ils furent incapables de les dater, les authentifier et enfin et surtout de seulement apprécier leur très très grande qualité qui pourtant sautait aux yeux). Un seul parmi eux (non cité et qui hélas n'est plus de ce monde) eut la franchise (et la modestie) de me dire : "pour les choses pointues telles que celles que vous me présentez là, il n'y a sans doute que quelques dizaines de personnes au monde qui connaissent vraiment et... ils parlent tous chinois". Et en effet, la salle des ventes China Guardian (Hong Kong) et le musée national du palais [Gùgōng] de Taipei surent par contre immédiatement les apprécier ("Rassurons-nous", il y a aussi des incompétants en Chine, je pense notamment à un certain département du musée du palais impérial [Beijing] qui ne me fit pas la moindre réponse et surtout la salle des ventes Polyauction qui dédaigna ces oeuvres d'art qui, non seulement faisaient partie des collections privées de l'empereur Yongzheng, mais comptèrent plus tard parmi les collections les plus chères à l'empereur Quianlong).
Pour en revenir à nos nos grands experts français, à les croire (mais le faut-il?) , ils comprennent très bien les objets chinois, ce sont juste les acheteurs chinois qu'ils ne comprennent pas...

Pour ceux parmi mes lecteurs qui penseraient mes propos très exagérés, je leur suggère de me trouver un expert chinois qui aurait la prétention d'être expert en art européen (voilà bien quelque chose qui paraîtrait fort exagéré, car le domaine est un peu vaste tout de même, n'est-ce pas? Et bien il en va de même pour l'Asie, et donc il faut croire les asiatiques plus modestes et raisonnables, car en effet vous n'en trouverez pas à avoir de telles prétentions, et s'il en existait un, sans doute il n'irait pas jusqu'à contredire les plus grands collectionneurs et marchands français, ou encore italiens, allemands...).

Enfin, toujours est-il que maître Osenat ferait bien de s'attacher les conseils d'un expert en mobilier français pour le moins, comme le démontre le descriptif de ce bureau de pente. Car c'est en effet ce qu'on se doit de constater peu après "l'affaire du vase":

 
 

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En vérité une bonne paire de lunettes aurait pu suffire devant cette débauche de mauvais raccords de la marqueterie.
C'est "rare" en effet un meuble "qui n'existe pas" (ben oui, une marqueterie Louis XIV sur un meuble Louis XV / voir par exemple les sinuosités de l'abattant) , et "Début" du Louis XV, c'est un peu fort!

L'amateur ayant un minimum de connaissance comprendra qu'il s'agit d'un bureau entièrement replaqué (et très certainement pas avant la fin du XVIIIe, je suggère d'ailleurs plutôt la fin du XIXe) avec une marqueterie dite de réemploi. Il en est de très bien faits sous Louis XVI, notamment avec l'utilisation des marqueterie Boulle, ici, et sur toutes les faces, c'est d'une rare maladresse (et c'est peu de le dire, en vérité nous aimerions pouvoir dire que c'est à ch... tout simplement... quand je disais qu'il y a ébéniste et ébéniste!).

J'ignore si maître Osenat voit là la justification de son beau métier ou alors ce serait une façon de se rattraper de son indélicatesse envers les brocanteurs en vendant pour le compte de l'un d'entre eux ce bureau qui lui aura été confié ?

 
 

 
 

Qui sait, peut-être le reverra t'on présenté comme l'objet du mois sur "le plus beau catalogue d'Antiquités" (comme se plaît à se nommer lui-même le site Proantic) annoncé cette fois fin de l'époque Louis XIV et attribué à Pierre Gole. Rien ne nous étonnerait moins.
En tous cas, souhaitons une nouvelle fois bonne chance aux acheteurs en live
(ceusses qui achètent des meubles rares pour pas cher).

 
 

 
 


Comme il fallait s'y attendre, le meuble fut adjugé à un "faux prix" (4.100, soit quand même un peu plus de 5.100 euros frais compris... "en l'état!"). L'acheteur de cette aberration aura, s'il le désire, de quoi faire un beau procès à la salle des ventes (je crois savoir que pour l'Hôtel Drouot tout entier on doit en être à un par jour!) mais de toutes façons on en entendra pas parler, car autant les journalistes sont enclins à conter les procédures que subissent les grands antiquaires parisiens, autant ils sont frileux à conter celles affectant les grandes salles des ventes parisiennes... Pour ce qui concerne par exemple Mr Vincent Noce, on comprendra aisément pourquoi : il est employé par la Gazette Drouot (aussi on plaint beaucoup ce grand journaliste d'investigation de devoir ne guère investiguer sur tout ceci pour mieux se consacrer aux seuls antiquaires).
Fort heureusement je jouis pour ma part d'une plus grande indépendance qui m'octroie davantage de latitudes, comme on l'aura constaté.

Mais il nous faut reprendre le clavier pour rendre justice à Vincent Noce, suite à son article paru dans la Gazette 12 puisque, et ceci dans la continuité d'un précédent relatant certains "trébuchements" survenus lors de la vente Obiang (article auquel, entre autres, je faisais justement allusion), il n'hésite pas à nous faire le récit dans "recyclage express" des pétulantes pérégrinations et ... tribulations d'un certain bureau d'apparat portant la double estampille Jacob-Desmalter, bureau vendu à Drouot en janvier 2023 où il était décrit comme faux par l'expert, et repassant donc en vente publique en mars (cette fois en province), décrit cette fois comme bon. (j'avais d'ailleurs suivi la vente en live d'un oeil curieux et fort amusé, du moins pour ce qui concerne ce bureau -vendu bien entendu là encore un vrai "faux prix"- ne figurant pas véritablement parmi le mobilier qui me tient à coeur, mais nettement moins amusé s'agissant d'une commode de Hache douteuse -déjà vendue à Bruxelles quelques mois auparavant- passant dans la même vente, et de plus faisant suite à une autre commode de Hache passée dans une vente précédente (de la même maison de vente), commode d'ailleurs là encore vendue six mois auparavant dans une salle lyonnaise et commode estampillée de Thomas Hache à mon avis exactement comme ma foi le fameux bureau l'est de F.H.G. Jacob). Nul doute que l'acheteur du bureau ne soit un lecteur de la Gazette et qu'il faille s'attendre à ce qu'il demande l'annulation de la vente. Cependant, ce qui est relaté dans cet article ne vient-il pas confirmer ce que j'écrivais plus haut à propos des expertises puisqu'en effet le commissaire-priseur, omettant l'avis de l'expert parisien, Mr Morgan Blaise, y déclare tout net s'être fié à celui du déposant, un marchand, comme on l'aura compris, et pas trop diffile je pense de deviner lequel.
Monsieur Noce aurait pu nous faire peu de temps après un bel article à propos d'un "buffet de chasse en acajou estampillé Oeben" provenant d'une vente bordelaise (acheté par le commerce 2.500 € au marteau)
repassant deux mois plus tard à la salle des ventes de Chinon (cette fois estimé 50 - 60.000 €) et "vendu" 42.000 € au marteau sans que soit prononcé le mot adjugé et sans non plus un mot après vente pour ce beau "résultat". Ce qui s'appelle une vente qui fait pschitt! Et qui s'accorde bien avec ce que nous avions fait savoir (évidemment en pure perte) au commissaire-priseur avant la vente : une estampille bidon, un meuble faux.
Tirons de ceci une conclusion : ceusses qui achètent des meubles rares pour pas cher, j'en reviens à eux pour clore (je l'espère) cet "espace", achètent en fait bien souvent des meubles dit "de rapport" déposés par des marchands (qui préfèrent garder les pièces dont l'authenticité est indiscutable pour leurs propres boutiques), et c'est un peu leur "punition", et joserais dire que cela ne m'affecte pas exagérément car je considère que ce sont ceusses là même, qui par leur volonté de ne pas payer le prix et en tant que consommateurs-spéculateurs tirant toujours le marché vers le bas, entretiennent (sinon même sont à l'origine, j'aurais l'audace d'aller jusque là / par le même raisonnement qui me fait considérer que le consommateur qui se rend dans la grande distribution est le premier responsable de la malbouffe) ce marché du faux (appelons un chat un chat) dans lesquels "s'embourbent" hélas de fort "bons" marchands (et qui, à la vérité, bien souvent, tel que pour le cas qui nous occupe -allez donc comprendre?- n'ont vraiment pas besoin de celà).