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COMMODE RÉGENCE "AUX DRAGONS"

Commode Régence aux dragons attribuable à Mathieu Criaerd

Exceptionnelle commode Régence "aux dragons"
dite "en tombeau", "à cadres", et encore "à moustaches" et à "à pont".

   


Coiffée d'un marbre Vieux Rance
mouluré d'un bec-de-corbin suivant ses contours, cette commode en placage d'amourette et de satiné ouvrant par quatre tiroirs sur trois rangs, large et basse, galbée toutes faces, est ornée de cannelures de laiton en façade et en côtés et recouverte toutes faces d'une puissante et exceptionnelle garniture de bronzes ciselés et dorés : cadres ciselés de feuilles d'eau encadrant les tiroirs, épaisses poignées tombantes à coquilles et larges platines aux dragons, entrées de serrure centrales aux sphinges adossées, très importantes chutes d'angles à rarissime et quasi exclusif décor de dragons en ronde-bosse, chutes florales, godrons, panaches et coquilles, moustaches godronnées en cornes d'abondance, cul-de-lampe à spires d'acanthe affrontées et enfin grands mascarons à l'Uranie en côtés.

Si les platines des poignées aux dragons sont assez peu communes, on en rencontre cependant occasionnellement (notamment sur des commodes de Mathieu Criaerd), les chutes d'angle aux dragons qui ornementent cette commode sont par contre aussi extraordinaires qu'inédites.
A leur propos nous avons questionné notre doreur (un artisan travaillant pour les particuliers et le commerce depuis plus de 30 ans) qui a d'abord été épaté et stupéfait à leur vue avant de nous faire savoir qu'il avait un vague souvenir de les avoir déjà vus une fois, que cela remontait à fort longtemps mais finirait par lui revenir... Et en effet, une semaine plus tard, il nous confiait se rappeler les avoir eus en main il y a maintes années pour la garniture d'une commode de l'antiquaire Jean Gismondi (... une référence Biennale).

 


Le style Régence - Calin Demetrescu

 

Les bronzes aux dragons sont caractéristiques des productions de quelques grands ébénistes à l'époque du Régent qui inaugure l'engouement pour les chinoiseries. Posés sur une commode ils marquent l'apparat et évoquent immanquablement Charles Cressent ou encore Noël Gérard (désormais connu comme -sinon son fournisseur- le maître aux Pagodes lui-même) mais aussi plus occasionnellement Antoine-Robert Gaudreaus.
Si la paternité de cette fastueuse et étonnante commode, qui est pourvue des critères d'une commande de mercier, ne peut être attribuée à au moins deux de ces trois ébénistes, Noël Gérard demeure une possibilité en tant qu'artisan et il peut aussi être encore envisagé tout comme Gaudreaus d'ailleurs, mais cette fois en tant que marchands merciers. Dans le contexte d'une recherche d'attribution, Noël Gérard, à la fois ébéniste et mercier, friand de l'utilisation du satiné et bien connu pour avoir dans son atelier "des quantités de «garnitures de commodes» ... et des quantités d'ornements de bronze et de modèles"*, ne doit donc pas être exclu.
Un autre ébéniste nous parait très plausible, Mathieu Criaerd, fournisseur des plus grands marchands merciers, souvent remarquable "par des formes très mouvementées et par la fantaisie exubérante des ornements"**, et de plus très coutumier des mêmes épaisses poignées à coquilles et connu enfin (certes tout comme quelques autres tel que Louis Delaître par exemple) pour son utilisation des platines aux dragons.

* Extrait de l'ouvrage Les ébénistes français de Louis XIV à la révolution - A. Pradère.
** Extrait de l'ouvrage Les ébénistes du XVIIIe siècle - Comte de Salverte.

 

A propos des commodes à pont. Il existe différentes formes de commodes à pont, le dernier rang de tiroir présente pour les unes deux tiroirs (au lieu d'un seul habituel) et un vide au centre ou plus fréquemment un faux-tiroir (qui peut être parfois véritable) en retrait, pour les autres il présente deux faux-tiroirs à bordures intérieures arrondies garnies ou non de moustaches, avec donc toujours un petit retrait au centre (notre commode fait partie de celles-ci, en y ajoutant un léger retrait dans le plan du tablier).
Quoiqu'il en soit cette surface évidée ou en retrait prend à chaque fois une forme rappelant celle d'un pont. Il faut par contre se garder de désigner des commodes simplement garnies de moustaches, et qui sont plus courantes, comme des commodes à pont, c'est une erreur que nous rencontrons de plus en plus, comme il est de plus en plus fréquent de voir des commodes "en tombeau" désignées sous le terme "en sarcophage".

 

Signalons également sur cette commode la rare combinaison du placage en deux bois précieux de Guyane, essences appartenant d'ailleurs aux deux espèces voisines du genre botanique des Moracées (Brosinium / ancienne appellation Piratinera), l'amourette et le satiné.

 

Amourette (Brosinium guianensis / Moraceae)

ou bois de lettre, lettre moucheté, bois serpent en Guyane (mais qu'il ne faut pas confondre avec le bois serpent véritable du Brésil) et encore bois de Cayenne, palo de oro, leopard wood, bois de lettre de Chine (en raison de son évocation des calligraphies chinoises), est un bois précieux guyanais qui doit son nom à son aspect tacheté ou tigré de noir sur ton de rouge-brun évoquant une peau de léopard ou de serpent. Ce bois très dense (il ne flotte pas) est particulièrement lourd et dur, avec un fort effet désaffûtant, ce qui n'empêche pas qu'il puisse être amené à un lustré splendide.
"
Ce bois n'a jamais été très courant et a toujours été très estimé...Très rare dans les régions côtières, on trouve les meilleurs bois dans les hautes forêts de l'intérieur; son peuplement est très sporadique, il est estimé à 5 arbres sur 10.000. Il a servi en Guyane dès le XVIIe siècle de moyen de paiement. On en importait seulement de petites quantités."* "Il existe des traces d'importation depuis la première moitié du XVIIe siècle...Il est probable que sa similarité avec l'écaille de tortue a fait son succès."**
Il s'agit d'un bois rare, importé de Guyane, du Surinam voisin et des Antilles, dont les zones de croissance sont l'Amérique centrale et du Sud.

 

Satiné (Brosinium venosa / Moraceae)

ou bois de lettre rouge, le satiné présente deux aspect suivant le débit : sur dosse "satiné rouge à cause de sa belle teinte uniforme soutenue ou satiné rubané lorsque le bois est plus clair...*" avec un contrefil marqué débité sur quartier.
Importé dès la fin du XVIIe siècle, "il fut utilisé par Charles Cressent, Antoine-Robert Gaudreaus et, un peu plus tard, Mathieu Criaerd, Pierre IV Migeon, Jean-François Leleu, BVRB, Jean-François Oeben, Martin Carlin, Jacques Dubois, Pierre Roussel. Jean-Henri Riesener sut particulièrement le mettre en valeur.**".
Ses zones de croissance sont les Guyanes, le Brésil, la Colombie et toute la région amazonienne
.

* Extrait de l'ouvrage Les bois d'ébénisterie dans le mobilier français - J. Viaux-Locquin.
** Extrait de l'ouvrage L'essence du bois - P. George, E. Maurin, M.C. Trouy-Jacquemet.

 

 

Le montage à queues d'aronde borgnes de cette commode est typique des modèles du premier tiers du XVIIIe (ils le seront à tenons-mortaises chevillés par la suite). En outre les traces de rabots bien présents sur la commode attestent, par le large écartement des dents, d'un travail du tout début du XVIIIe siècle (en effet le nombre de dents des rabots à bretter s'est accru au fil des époques. On compte ici 10 dents pour 2 cm, ce qui correspond parfaitement à une réalisation du début du XVIIIe siècle). Ajoutons que la caisse en sapin (avec assemblages des côtés chevillés) de cette commode est indiscutablement l'ouvrage d'un menuisier, ce qui induit encore que nous avons affaire à un ébéniste de premier ordre qui ne fabriquait pas lui-même ses caisses mais en laissait le soin à des sous-traitants (nous avons justement actuellement en collection une commode de Mathieu Criaerd au sujet de laquelle nous avions souligné qu'il était probant que la caisse avait été sous-traitée). http://antiquites-gledel-philippe.chez-alice.fr/T-Commode-Regence-aux-masques-de-faunes-et-lions-par-Mathieu-Criaerd.html

 

Meuble dans un excellent état d'origine et ayant été l'objet d'une restauration sans concessions (déplaquage complet, arasement et restauration de la caisse puis replaquage) et d'une finition au vernis au tampon de haut niveau effectuée par un maître ébéniste. Tous ses bronzes d'époque redorés à l'or fin, avec parties mates et brunies, et patinés par notre doreur, le marbre d'origine en très bel état de conservation (quelques anciens micro éclats) nettoyé, restauré puis ciré par notre marbrier, et enfin ses quatre anciennes serrures.

 

Travail parisien de l'époque Régence,

Premier tiers du XVIIIe siècle.

 

 

 

 Mathieu CRIAERD (1689 - 1776), ébéniste né à Bruxelles, issu d'une lignée d'artisans flamands, le plus célèbre de tous (ne pas confondre avec son fils Antoine-Mathieu Criaerd), exerça dans le faubourg Saint-Antoine (rue Sainte-Marguerite puis rue Traversière) à partir de la Régence. Alexandre Pradère nous apprend que son talent lui permit d'acquérir rapidement une situation prospère et qu'il travailla pour les plus grands ébénistes et marchands merciers tel que Nicolas Héricourt, mais aussi et surtout ceux du Garde-Meuble royal : Antoine Robert Gaudreaus, Thomas-Joachim Hébert et son successeur Gilles Joubert. Nous savons aussi qu'il fournit des meubles à Jean-François Oeben.


LES ÉBÉNISTES DU XVIIIe SIÈCLE
- COMTE FRANCOIS DE SALVERTE

 


LE MEUBLE FRANCAIS ET EUROPÉEN - PIERRE KJELLBERG

 


LES ÉBÉNISTES FRANCAIS DE LOUIS XIV A LA RÉVOLUTION
- ALEXANDRE PRADÉRE

 

   
 
 
 

 

 
 

Dimensions : , cm de hauteur x cm de largeur x cm de profondeur.
 
 

 

 
 
 
 

 

 
 

 

 
 

Vue plongeante sur le chatoyant marbre Rance de 30 mm d'épaisseur.
 
 

 

 
 
 
 

 

 
 

 

 
 

Vue de léger trois quarts gauche.
 
 

 

 
 
 
 

 

 
 
 
 

Vue de trois quarts gauche.
 
 

 

 
 
 
 

 

 
 
 
 

Vue de léger trois quarts droit.
 
 

 

 
 
 
 

 

 
     
 

Vue encore davantage de côté.
 
 

 

 
 
 
 

 

 
 
 
 

Vue de trois quarts droit.
 
 

 

 
 
 
 

 

 
 
 
 


Les côtés de la commode.

 
 

 

 
 
 
 

 

 
     
 


Le profil de la ligne du montant et ses bronzes d'ornement.

 
 

 

 
 
 
 

 

 
 
 
 

Une entrée de serrure.
Une poignée tombante.
 
 

 

 
 
 
 

 

 
 
 
 

Vue du centre du tiroir inférieur et du tablier.
 
 

 

 
 
 
 

 

 
     
 

Les chutes.
 
 

 

 
 
 
 

 

 
 
 
 

Les sabots.
 
 

 

 
 
 
 

 

 
 
 
 

 

 
     
 

Un côté et un tiroir de la commode
 
 

 

 
 
 
 

 

 
 

 

 
 


 
 

 

 
 
 
 

 

 
 

 

 
 


 
 

 

 
 
 
 

 

 
 

 

 
 

Vue sur la finition des fonçures.
 
 

 

 
 
 
 

 

 
 

 

 
 


Le montage arrière de la commode. On voit ici les queues d'aronde, borgnes pour la traverse
supérieure, sur chant pour la traverse inférieure (même assemblage pour les traverses de façade)
et les dos en planches jointives qui viennent glisser dans des rainures.
Ceci caractérise parfaitement les montages du début du XVIIIe siècle.

 
 

 

 
 
 
 

 

 
 

 

DOCUMENTATION

 

 
 

 

 
 

 
 

Commode estampillée Mathieu Criaerd avec poignées et platines similaires aux dragons / Vente Primardeco du 5 décembre 2015.

 
 

 

 
 

 

 
 

 
 

Commode attribuée à Criaerd avec à nouveau d'épaisses poignées à coquille similaires / Vente château de Sassy - Baron Ribeyre du 29 mars 2024.

 
 

 

 
 

 

 
 

 
 

Commode à pont présentant de semblables spires d'acanthe affrontées / Le mobilier du musée Carnavalet - Anne Foray-Carlier.