Très important et rare pot à thériaque en faïence de Rouen
dit "de montre" ou encore "de monstre"
à décor aux serpents d'époque Louis XIV.
Dimensions :
Hauteur 71,5 cm - largeur au renflement des anses 43 cm
- diamètre du piédouche 22 cm.
Matière :
Faïence stannifère de grand feu.
État :
Très bel état général, plutôt rare pour un objet de cette époque,
aussi volumineux et avec de telles anses ajourées. Pas de restaurations
(sinon un petit éclat anciennement recollé à la base du couvercle),
quelques infimes éclats épars et quelques légers défauts de cuisson.
Pas d'usures, décor parfaitement intact. Bel éclat de l'émail
(cause des quelques reflets visibles sur les photographies).
Provenance :
Grande collection privée parisienne.
Oeuvres en rapport :
Pot couvert à Mithridate du musée de la Céramique de Rouen.
Pot couvert à Thériaque de l'ancien hôpital Saint-Yves de Rennes.
Époque :
Premier tiers du XVIIIe siècle.
Ce pot d'apothicaire, vraisemblablement destiné à la boutique d'un hôpital ou d'un hospice contenait l'un des plus précieux remèdes de l'ancienne pharmacologie, la thériaque, contre-poison constitué de près de soixante ingrédients (dont la chair de vipère et l'opium), applicable aux morsures animales et antidote contre la peste utilisé dès l'époque romaine, rapporté de Grèce à Rome par Pompée et modifié par Andromaque (médecin de Néron d'origine crétoise), d'où son inscription latine "Theriaca Andromac" ou Thériaque d'Andromaque, permettant de distinguer cette préparation dite "Grande Thériaque" de la thériaque diatessaron ou "Thériaque des Pauvres".
Ce vase couvert est sommé d'un haut couvercle agrémenté d'un serpent lové, dont les anneaux forment la poignée de préhension, et repose sur un piédouche. Il est flanqué de deux serpents affrontés ondulant sur chacun des épaulements du vase, depuis la partie inférieure de la panse évasée, jusqu'au bord même du vase qu'ils viennent mordre après s'être enroulés en formant une anse double. Au centre, encadrant l'inscription, s'étire en arabesques un riche décor en camaïeu bleu manganèse à motifs de ferronneries et tiges florales stylisées
Les serpents ont ici une double raison d'être représentés, la symbolique du caducée de Mercure bien entendu mais aussi car la thériaque guérit de leurs morsures et que leur chair entre pour partie dans la composition du remède. De plus, pour ce qui concerne les vases d'apparat, les anses aux serpents sont récurrentes dans le répertoire néoclassique des époques Louis XIV et Louis XVI.
Extraits de
L'apothicairerie de l'Hôtel Dieu de Rouen et ses apothicaires
J. Marchand
La boutique
Encore appelée cabinet, elle correspond à la pharmacie proprement dite et est reliée à la tisanerie par un couloir. A l'Hôtel-Dieu de Rouen, la boutique est décorée de manière plutôt sobre en comparaison avec celles des apothicaireries de Bourgogne, Franche-Comté ou Val-de-Loire qui présentent de très riches décorations.
Dans cette boutique ou officine, les remèdes occupent une place bien précise dans les différents compartiments de la boiserie en fonction de leur importance thérapeutique (supposée) de leur prix et de leur rareté. Ainsi, les préparations prestigieuses jouant le rôle d'antidote universel ou panacée sont conservées dans de très grands vases d'apparat au décor raffiné. Ces préparations occupant la place d'honneur sont : la Thériaque, l'Orviétan, l'Opiat de Salomon, la Confection d'Hyacinthe.
Le vase d'apparat
Encore appelé vase de montre (monstre), c'est le plus majestueux et le plus volumineux des pots d'apothicaire puisqu'il peut atteindre 90 cm de hauteur et 180 cm de circonférence. De forme ovale, ce vase toujours richement décoré repose fréquemment sur un piédouche. Il bénéficie toujours de la place d'honneur dans les apothicaireries car c'est celui qui contient les remèdes les plus prestigieux, les remèdes souverains aux vertus médicinales multiples. Coiffé d'un couvercle imposant et ouvragé, le vase d'apparat est orné de deux anses en forme de cordons torsadés ou de serpents entrelacés. Ces vases destinés à recevoir notamment la fameuse Thériaque furent la spécialité de Nevers et Rouen en a également produit de magnifiques. Quelque soit leur forme ou leur contenu, tous ces pots de faïence possèdent une décoration riche et variée ou prédominent souvent les motifs floraux. Ils présentent très souvent un cartouche orné réservé à l'inscription du nom du remède.
La Thériaque
Ce symbole absolu de la polypharmacie est né sous l'empire romain avec Andromaque et est encore inscrit à la pharmacopée française de 1884 ! Il s'agit d'un électuaire renfermant 57 composants, c'est à dire une poudre composée qui est mélangée à du miel ou à un sirop et donc de consistance plus ou moins pâteuse. Compte-tenu de ses supposées vertus médicinales, cet antidote fait l'objet d'un commerce appelé triacherie à la frontière entre pratiques magiques et charlatanesques. A Rouen, comme dans les autres grandes villes, les apothicaires décidèrent donc de préparer publiquement et de manière solennelle la thériaque, en présence des sommités médicales et des autorités judiciaires de la ville. Les apothicaires assistaient à tour de rôle à la semaine de la Thériaque qui était ensuite testée "pharmacologiquement" sur un coq ayant subi les morsures d'une vipère. Si le coq ne mourait pas, la thériaque était réputée excellente (le grec thériakos signifie bon contre les morsures des bêtes sauvages).
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