Table à toutes fins, pouvant faire usage de table à écrire et de table "à cabaret", coiffée d'un plateau monoxyle décreusé et ouvrant par un tiroir latéral, en acajou moucheté pour le plateau et les ceintures, acajou de fil à grain très fin pour le piétement.
Cette table est un exemple du mobilier sobre et raffiné en usage à la fin de la période Louis XV dans la société aristocratique bordelaise. Elle s'inspire des modèles de grand luxe des plus célèbres ébénistes parisiens (RVLC, Boudin, Canabas, et plus tard Weisweiler, et particulièrement du modèle des tables d'acajou livrées pour le duc de Choiseul au château de Chanteloup fabriquées par Œben)
en utilisant l'acajou moucheté, mais, à la différence de la capitale (exception faite pour Œben et Canabas), exclusivement en massif.
On notera ici l'exceptionnelle qualité des acajous des Antilles choisis avec soin, ainsi que le chêne maillé des fonçures du tiroir.
Un mot sur l'acajou.
Les acajous présentent de nombreux aspects, mais il n'en existe que trois variétés (dont une africaine qui ne nous intéresse pas ici, et qui d'ailleurs présente bien moins d'intérêt à tous points de vue). Pour être précis il conviendra même d'abandonner le terme d'acajou de Cuba (par trop générique et en vérité inexact) pour distinguer l'acajou de Saint-Domingue (soit de l'île d'Hispaniola -aujourd’hui Haïti- ancienne colonie française), Swietenia mahagoni, que nous appelons volontiers des Antilles et l'acajou du Honduras, Swietenia macrophylla, et plus volontiers désigné sous l'appellation des Caraïbes.
Ici nous avons affaire à la plus belle des deux variétés, le Saint-Domingue (et la distinction n'est pas difficile puisque le Honduras ne présente jamais d'aspect moucheté).
Contrairement à une idée admise (encore qu'hélas beaucoup ont fortement tendance à en faire fi) et défendue par les meilleurs spécialistes, l'acajou peut présenter quelques trous de vers, cela nous l'avons vu, mais il s'agissait de prédations très anciennes (exclusivement de la grosse vrillette et uniquement présentes dans de rares parties d'aubier). Ceci est donc vraiment très exceptionnel (pour ne pas dire extraordinaire) et c'est pourquoi tout un chacun, qui a bien peu de chance d'en rencontrer, se devra absolument de considérer que si un bois présente des attaques xylophages c'est qu'il n'est pas en acajou.
L'acajou et les bois exotiques n'étant achetés en massif (hormis un cercle très restreint d'ébénistes parisiens) que par les menuisiers et ébénistes des grands ports français, et ce à grands frais, nombre d'artisans, y compris travaillant dans les ports et surtout dans des régions limitrophes, se sont servis du noyer, teinté à l'acajoutine et au bichromate, pour l'imiter. L'imitation est trompeuse pour un simple amateur si ce n'est qu'elle se trahit presque toujours par la présence de trous de vers. Ainsi voyons-nous sur des sites d'antiquaires (quand bien même ils se disent "Pro...") des commodes "de port en acajou" cironné.
Si l'acajou qui nous intéresse n'existe qu'en deux espèces, les bois exotiques sont innombrables et certains d'entre eux qui présentent des ressemblances avec l'acajou (tant de couleur que de durabilité), tels le Saint-Martin, le cedro, le bagasse, le courbaril, le padouk, sont assez nombreux. Presque toujours on les verra désignés sous le terme d'acajou. Ainsi nous avons pu lire dernièrement un cacophonique "acajou jaune de Saint-Martin", ce qui est une grande méprise* et fort explicite sur le pêle-mêle des termes "acajou" et "bois exotiques". Le Saint-Martin est un bois exotique qui existe en trois variétés (rouge, jaune et blanc), ce n'est pas de l'acajou.
*A plus forte raison quand le bois en question, à notre humble avis, n'est ni de l'acajou, ni du Saint-Martin jaune...
******************
Ces petites tables précieuses
connurent un véritable engouement dans les grands ports de
l'atlantique qui furent les importateurs des boissons (café et thé) venues des
Amériques et d'Orient, elles furent en grande vogue dans les
châteaux de la noblesse et les hôtels particuliers des riches
marchands, avant que de faire mode à Paris où furent
créées par les plus grands ébénistes (Carlin
- RVLC...) d'extraordinaires petites cabarets dans les matières
les plus luxueuses telles que les laques orientales et européennes
ou encore la porcelaine de Vincennes - Sèvres.
Il n'est sans doute pas inutile
de rappeler ici la définition exacte de ce qu'est une table
en cabaret : petite table rectangulaire, circulaire, ovale (ou même
triangulaire) comportant un dessus soit creux en cuvette,
soit à plateau rapporté, soit encore
plat mais lavable, servant à prendre les boissons.
Il est entendu que, pour ce dernier cas, différents matériaux,
hormis le bois, pouvaient être utilisés : marbre, porcelaine,
laque, faïence, canne, tôle.
Ces tables pouvaient porter en permanence un service à thé
ou à café.
Superbe état et patine d'origine,
finition au vernis-tampon.