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Commode fin Régence à début Louis XV en bois exotiques et indigènes à dessus de pierre marbrière richement sculptée et galbée toutes faces ouvrant par quatre tiroirs sur trois rangs.
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Cette très rare commode meublait l'entrée d'un château historique proche de la Vallée de la Rance pour lequel elle fut commandée. Nous avons donc bien ici affaire à un meuble de commande destiné à l'apparat d'un château de province. Tout y concourt en effet, que ce soit la richesse de sa sculpture rocaille, son épaisse table de marbre et enfin sa riche garniture de bronzes à la fois ciselés et dorés, ces trois éléments en particulier lui donnant sa véritable distinction (au deux sens du terme, soit différenciation aristocratique). Note : A propos des marbres, rappelons que la plupart des commodes de port aujourd'hui à plateau de marbre sont dans neuf fois sur dix des cas des meubles auxquels on a ôté le plateau de bois, et ce généralement pendant la période Napoléon III, pour y substituer un marbre. Il faut comprendre qu'au XVIIIe siècle les marbres étaient très coûteux, en raison des moyens d'extraction et de transport encore rudimentaires. Dans les très rares cas ou le marbre est d'origine, outre qu'il est supporté par un plancher d'époque, à chaque fois nous avons affaire à un meuble véritablement destiné à l'apparat, un meuble donc "sortant de l'ordinaire". Ainsi les commodes en bois naturel du célèbre ébéniste grenoblois Jean-François Hache se trouvent parfois recouvertes d'un plateau de marbre de la Mure, car ce sont celles destinées aux pièces d'apparat et auxquelles l'ébéniste portait un soin tout particulier : généralement en les ornant de bronzes à la fois ciselés et dorés et en leur ajoutant un cul de lampe en bronze, tel que pour celle, figurant toujours sur notre site, que nous avions vendue et qui adjoignait à ces deux éléments une largeur hors standard. Au premier regard c'est en effet ici encore l'originalité du modèle qui étonne mais aussi, en l'examinant d'un peu plus près, l'utilisation de l'acajou en placage sur les façades de tiroir. Ce détail nous rappelle au sujet d'un ouvrage de B. Leloche et J.-Y. Mornand traitant de "L'ébénisterie provinciale en France au XVIIIe siècle" d'ailleurs illustré d'une commode de Saint-Malo en placage de palissandre que nous reproduisons en documentation. D'autre part, et sans doute même davantage que de celles de Saint-Malo, cette commode fait écho aux plus riches commodes parisiennes de la Régence et n'est pas aussi sans nous rappeler certains modèles meublant de riches demeures étrangères : elle en est une transposition provinciale. Il faut ici rappeler que près de la moitié des ébénistes travaillant en France au XVIIIe siècle étaient d'origine étrangère, tant du fait de la forte demande que d'une relative bienveillance à l'égard des ébénistes protestants (ainsi Strasbourg comptera même deux corporations d'ébénistes, l'une catholique et l'autre protestante) et l'on sait Saint-Malo particulièrement ouvert aux influences hollandaises, comme le montrent notamment les imposants buffets à quatre volets dits "malouines" directement inspirés par les cabinets des Pays-Bas (et pour certains même fabriqués intra-muros par des ouvriers hollandais quelquefois détenus des corsaires). Mais ce n'est cependant pas à cette tradition des austères provinces du Nord que fait écho le style de notre meuble, mais bien plutôt à celle des Flandres, toutes proches mais rattachées depuis longtemps au très catholique Empire des Habsbourg, et donc imprégnées par le baroque venu d'Italie. Elle n'est pas sans nous rappeler les ouvrages en noyer massif et placage de noyer d'Abraham Roentgen fabriqués à Neuwied. Comme bien souvent en régions, notre menuisier-ébéniste travaille sur un bâti de type menuiserie et dans le cas particulier des ports, utilise tant des bois locaux que des bois exotiques. L'acajou est ici choisi pour son superbe veinage à la fois moiré (le plus recherché) et flammé.
Très bel état d'origine, quasiment aucune greffe (sinon une petite à l'un des pieds arrière), superbe finition cirée, très belle patine de l'ensemble (marbre et commode).
Vallée de la Rance - XVIIIe siècle.
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Commode dotée d'un caractère propre aux formes souples, puissantes et fantaisistes de la |
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Côtés, face et montants galbés en plan et en élévation. Ces derniers sont ornés d'un rare |
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Les côtés de la commode fortement bombés et galbés, avec montage à croisillons sur |
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Une épaisse et remarquable table de marbre coiffe la commode, il s'agit d'un calcaire |
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Entrée de serrure et poignée de tirage en bronze ciselé et doré d'origine.
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La pierre marbrière, telle que sur un buffet de chasse, est épaisse de 35 mm et ourlée d'un |
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Cartouche rocaille godronné au centre du montant. Parfaitement centrées, trois coquilles |
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DOCUMENTATION |
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L'ébénisterie provinciale en France au XVIIIè siècle - B. Delaroche & J-Y Mornand / Ed. Faton |
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Commode de l'ancien hopital de Saint-Malo - Le mobilier breton - René Trotel / Ed. coop breiz |
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Commode d'Abraham Roentgen - Maison de vente Lempertz - Cologne |
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Comparaison stylistique (toute relative cela va de soi) avec une commode d'apparat d'Antoine Gaudreaus. |
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Le mobilier de Versailles - D. Meyer / Ed. Faton |
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La commode telle qu'elle se trouvait dans l'entrée principale du château. |
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A l'image une nouvelle fois de Jean-François Hache meublant par exemple le château du Bosc Guerard (Vente à Clermont-Ferrand de 1984), notre menuisier-ébéniste a ainsi fourni au moins deux autres commodes pour le château, que nous reproduisons ci-dessous. L'ensemble revêt un intérêt documentaire des plus intéressant car, exactement comme pour le Bosc Guerard, nous permettant de juger de la "montée en gamme" des différentes commodes suivant leur destination dans les pièces du château. A noter que le château était également meublé d'une commode de Saint-Malo en acajou massif et d'un meuble quatre portes dit "malouine". |
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La première commode meublait une chambre du château, à entablement de bois et simples poignées de fer, avec ajout d'un petit bronze d'ornement entre les deux tirois supérieurs, elle est entièrement réalisée en bois de pays (châtaignier). Sa sculpture déjà est assez luxuriante, mais toutefois moins riche que celle qui orne les suivantes, et enfin les côtés sont simplement panneautés. |
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Le second modèle meublait l'entrée du château, faisant pendant à la nôtre, mais côté escalier, Construite uniquement en bois indigènes (principalement du noyer) et toujours à entablement de bois, elle est cette fois ornée de poignées en bronze ciselées mais non dorées presque identiques à celles de notre commode, alors que toutefois les entrées de serrure on le voit demeurent bien moins imposantes. La sculpture différe peu du modèle précédent, hormis principalement pour ce qui concerne le centre de la traverse basse, nettement plus généreux, en structure du bâti on note l'apparition des croisillons en côtés. |
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Voici maintenant notre commode, modèle qui meublait l'entrée du château, mais cette fois face à l'entrée principale et donc vue au premier regard par le visiteur (et l'on sait justement que les châteaux, et ce depuis l'ère féodale, ont fait grand usage de l'impression immanente). Construite en partie en bois exotiques et à la sculpture plus fouillée encore (notamment en collerettes godronnées), habillée de la plus riche parure de bronzes, à la fois ciselés et dorés, couverte enfin d'un marbre épais et remarquable, cette commode donne en effet au premier regard le ton de l'apparat. (Vue ici avant restauration et revernissage, dans son vernis d'origine complètement insolé) |
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En page d'accueil de notre site il est fait état de notre "recherche aiguisée et sans concessions" portant sur "des meubles à la fois typés et d'excellence". Ces trois commodes illustrent parfaitement ce propos, car c'est uniquement pour cette commode là que nous avons fait acte d'achat...des "petits détails" qui, additionnés, ravissent l'amateur, et que le véritable connaisseur (qui constitue la structure même de notre clientèle) embrasse d'un seul coup d'oeil. |
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