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Rare large buffet de chasse en chêne massif dit buffet "à double évolution"
Paris, époque XVIIIe siècle.
Ce meuble très architecturé constitue le véritable modèle de buffet de chasse parisien, proche dans ses dimensions et ses formes générales de l'archétype bien connu reproduit par le menuisier Nicolas Duval qui s'en fit une spécialité. Il n'est pas inutile de rappeler (sans parler ici des exemplaires aux appellations imprudemment galvaudées par divers amateurs) qu'au moins soixante dix pour cent des buffets bas de chasse peuvent être présumés comme faux, tant en effet ont été fabriqués depuis le XIXe siècle et jusqu'à nos jours dans des ateliers de Paris et du Nord de la France, à partir d'anciens éléments de boiserie, d'armoires ou de buffets à deux corps (certains éléments récupérés déjà dotés de la double évolution, d'autres entièrement refaits, ferrures comprises) des exemplaires "semblables" à ceux, devenus fort rares, meublant autrefois les grandes propriétés, les relais de chasse, et surtout les châteaux de L' Île de France et quelquefois même ceux de province.
Le meuble, dit buffet en armoire, est coiffé d'un épaisse table marbrière . Il ouvre par deux tiroirs munis de poignées en fer forgé et deux vantaux brisés, cet accommodement à double repliement permettant d'ouvrir les portes au maximum et même de les rabattre en côté, lui permettant de remplir une double fonction, à la fois de présentation et de service se rapportant à la vaisselle, plats d'argent et services de tables qui y étaient généralement entreposés. Précisons même qu'il était au XVIIIe siècle fort en usage de laisser le buffet portes grandes ouvertes pendant le repas, et Roubo décrit cette habitude en soulignant que cela se pratiquait "plus cependant par ostentation que par nécessité". On comprend mieux, face à ce meuble de château d'un mètre soixante deux de large, que la double évolution est conjointement née d'un soucis de maintient de l'équerrage des battants (ainsi dans le cas présent le battant gauche mesure soixante treize centimètres de large et c'est heureux pour l'équerrage qu'il soit en deux parties) et c'est donc également ce qui justifie la présence de crochets maintenant le premier volet des portes. Notre exemplaire reprend encore les principales caractéristiques du classique buffet parisien : cintre allongé des portes et épaisses moulurations à cadre, base à plinthe, étroits et profonds tiroirs dits "à couteaux", car en effet destinés à recevoir les couteaux utilisés pour la découpe des gibiers, d'où l'appellation du meuble.
Il faut noter d'ailleurs que ce type de buffet a été réalisé tant par des maîtres-menuisiers parisiens, qui étaient en effet spécialisés dans le mobilier en bois naturel (tel que commodes parisiennes en bois naturel de chêne, noyer ou hêtre), que par des ébénistes, sans doute du fait d'une forte demande de la clientèle aristocratique. Entre les deux types de fabrications, peu de différence en vérité, cependant nous avons tout de même remarqué que le bâti exécuté par un ébéniste sera souvent, comme l'on peut s'y attendre, de fabrication plus fine, bien qu'aussi solide, et ainsi le plancher supérieur sera monté en panneaux avec traverse médiane plutôt que simples planches, les côtés, et même parfois le dos, comporteront davantage de panneaux (probablement parce que l'artisan ébéniste est mieux informé et soucieux du retrait consécutif au séchage dans le temps des planches de large section, mais on peut logiquement penser qu'il dispose également de moins de place de stockage pour le bois massif). Difficile de trancher ici, même si la construction en épaisses sections de bois de ce modèle se rapporte davantage à un travail de menuisier.
L'absence d'estampille sur ce buffet peut avoir deux causes possibles et bien distinctes, soit tout simplement le maître-menuisier aura négligé de la poser, soit ce meuble aura été fabriqué dans la première moitié du siècle, ce qui est d'ailleurs fort envisageable. Il est en effet bon de rappeler que si l'estampille fut rendue obligatoire à partir de 1743, son usage ne fut véritablement légalisé qu'en l'année 1751. D'autre part de nombreux membres de la corporation des ébénistes ou de celle des menuisiers préféraient dans la mesure du possible éviter la taxe qui s'y rapportait, et particulièrement parmi cette seconde corporation, moins visitée par la Jurande.
Huit gonds, deux poignées, deux entrées de serrure, deux crochets et deux anneaux, deux targettes, le tout en fer forgé et d'origine, une serrure et sa clef (anciennement rapportées).
Bâti entièrement réalisé en bois de chêne massif (y compris les fonçures excepté les fonds de tiroirs en hêtre), la plupart des parties visibles en chêne maillé ou tranché dit "merrain".
Dimensions : 91 cm de hauteur x 162 cm de largeur x 73
cm de profondeur.
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Exemples de vrais faux buffets de chasse tels qu'on en voit régulièrement en salles des ventes
(et ailleurs). Bien souvent la moulure supérieure du montant rapportée trahie son origine de bas
de buffet à double corps, et ceci quand ce n'est que moindre mal...
Ce type de montage avec moulures rapportées n'a pas lieu d'être sur un meuble XVIIIe d'une bonne fabrication en bois indigène, d'autant que rapporter ainsi la moulure constitue, à l'inverse d'une simplification, une véritable complication et par là même un important surcroît de travail. Certes ont pourra rencontrer des meubles en bois exotiques fabriqués "à l'économie" (nous en avons vu quelques rares exemples sur des montants de commode portuaires - l'artisan utilisant une large planche d'acajou de Cuba pour faire son montant et rapportant une planche de bois indigène, côté intérieur, et des planchettes d'acajou pour les parties saillantes) et on le rencontrera plus rarement sur des meubles en chêne, mais en tous les cas, et ont le comprend facilement, il se trouvera une greffe de bois à chacune des extrémités du montant.
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