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BUFFET A PIERRE ET A PORTES LATÉRALES PAR HACHE

Buffet-de-chasse-Pierre-Hace-Grenoble-18e
   

 

Buffet à dessus de pierre de Saint-Cyr en noyer blond des Alpes,

galbé en arc d'arbalète, ouvrant à deux larges vantaux cintrés

et deux portes latérales surmontées de tiroirs.

Par Pierre Hache, ébéniste du duc d’Orléans.

Grenoble vers 1750.

Époque milieu du XVIIIe siècle.

 

 

 

Pierre Hache (Grenoble 1705 - 1776) est le fils de Thomas avec lequel il a fait son apprentissage puis travaillé des années durant, et le père de Jean-François. Il est sans doute le moins connu des trois Hache, ce qui est parfaitement injustifié* : ne lui doit on pas le montage à clé et le fameux pied pastille (souvent attribué à son fils) et quelques-uns des plus beaux meubles de cette dynastie d'ébénistes, cela durant la période de 1730 à 1760, et enfin l'une de ses créations ne détient-elle pas le record du plus haut prix (440.000 € pour la commode Régence aux armes de Louis d’Aymon) réalisé en vente publique par une commode grenobloise... Sans doute fut il trop longtemps (et par contrat) sous le tutelle de son père, cependant il obtiendra en 1757 (tout comme son père avant lui et son fils par la suite) le brevet d'ébéniste du duc d'Orléans. Sa production est pour l'essentiel marquée par des ouvrages d'un style Régence aux lignes épurées et du début du Louis XV.

* Longtemps l'ouvrage de Fonvieille à été la seule référence, et en plus de nombreuses erreurs d'attribution, bien davantage documenté sur ce dernier, il faisait la part belle à Jean-François. Citons Pierre Rouge dans son avant-propos au génie des HACHE : "Nous voulions lever le voile d'obscurité qui enveloppait Pierre Hache apparu aux yeux des auteurs précédents comme un simple suiveur, seulement capable de continuer l'œuvre de son père, tandis que toutes les louanges allaient à son propre fils Jean-François." Y est-il parvenu ? Sans doute aux yeux des véritables amateurs, pas auprès du grand public pour qui les idées reçues ont la vie dure.

 

Nous n'avions jamais pu acquérir de buffet des Hache dans notre carrière avant celui-ci, et il faut dire que bien peu ont été aperçus sur le marché durant ses quarante dernières années (deux ou trois peut-être ?), et moins d'une dizaine au total nous sont connus. En règle générale, si les armoires à portes latérales sont rares, les buffets qui en possèdent le sont bien davantage encore et de plus ce buffet, qui fait partie d'un rare ensemble de meubles fabriqués par Pierre Hache à l'unité, possède une particularité, il est le seul buffet connu muni, en plus de portes, de tiroirs latéraux.
Cette spécificité et son marbre épais en font un véritable buffet de chasse.
Ce meuble est d'un grand intérêt à plus d'un titre, et notamment car il est de ceux, parmi toute la production des Hache, qui matérialise parfaitement ces mots de Louis Faton : "L’œuvre des Hache est unique. Nulle part ailleurs dans l'ébénisterie on ne retrouve, à ce point frappante, l'originalité créatrice née d'un talent artisanal.". Car en effet et tout d'abord, disons tout net qu'il subjugue les amateurs qui (mystifiés par ses formes, son montage, son état) n'imaginent pas qu'il puisse avoir plus de 250 ans. Notre ébéniste et notre menuisier ont pour leur part ouvert "des yeux ronds", interloqués par la qualité de finition du meuble, principalement pour le premier qui reconnaît immédiatement l’œuvre d'un maître de sa corporation, et pour le second principalement admiratif de la simplicité inventive et moderniste de son montage.
Il est une vérité maintes fois soulignée à propos des Hache, c'est leur attachement au principe de rentabilité, et nous n'excluons pas que certaines de leurs inventions, y compris parmi les plus décoratives (tel que le pied à pastille par exemple) soient corrélées à ce principe, bien au contraire. Ainsi on observera par exemple sur ce meuble (clichés numérotés de 1 à 5) le montage aussi simple qu'avant-gardiste de ses cloisons intérieures facilement amovibles, la finition du chantournement du dessous de la traverse basse au ciseau, la moulure en quart-de-rond et volutes de sa traverse basse rapportée en surépaisseur par collage, et tant d'autres choses encore telles que par exemple la manière dont Pierre Hache a ingénieusement résolu la difficulté d'intégrer deux larges et profonds tiroirs sans pour autant renoncer à l'élégance du cintre des vantaux (ceci tout simplement en collant à la traverse de façade un parement intérieur fait d'une belle planche de noyer qui, munie d'un coulisseau cloué, sert de guide aux tiroirs). Notons au passage le fini de l'agencement intérieur en noyer avec bordures moulurées et noircies.
Nous même, nous avons été également stupéfait par sa qualité de conservation, car nous avons fort rarement acheté un meuble XVIIIe dans un état aussi proche du neuf, sans la moindre restauration ancienne et sans qu'il en nécessite la moindre. Il suffit de regarder attentivement les volutes en bout de ses quatre pieds pour prendre la mesure de cette conservation miraculeuse. Sans nul doute sa préservation doit beaucoup à sa qualité de fabrication et au bois parfait utilisé (un cœur de noyer alpestre quasi exempt d'attaques xylophages) mais il est aussi un dernier paramètre qui entre en ligne de compte, ses conditions de conservation. En effet nous avons fait l'acquisition de ce meuble (ainsi que de notre précédente commode de Jean-François Hache) à Grenoble suite à une succession et il se pourrait qu'il n'ait jamais quitté la capitale du Dauphiné (ceci étant cautionné par une ancienne étiquette collée à la base du montant arrière droit, et sur laquelle on peut lire, en dessous du nom de l'ancien propriétaire, l'adresse d'un vieux quartier de Grenoble se trouvant à peine à 20 mn à pied des ateliers des Hache).

Le meuble est recouvert d'une pierre de Saint-Cyr aux multiples concrétions, elle aussi dans un état de conservation stupéfiant (pas de marques ni d'éclats notables, sinon quelques-uns en bordure de la tranche arrière). D'une épaisseur de 45 mm (poids total de plus de 150 Kg) elle est moulurée d'un puissant bec-de-corbin surmonté d'un cavet et on voit que, suivant une habitude propre aux Hache sur les plateaux épais, son pourtour visible est aminci par un chanfrein pratiqué sous le bec de corbin, et de même on note que son profil ne suit pas exactement les lignes des vantaux, apportant une dynamique supplémentaire au galbe de l'ensemble. On remarquera enfin au dos sa taille ancienne reprise à l'outil manuel.
La pierre de Saint-Cyr-en-Mont-d'Or est surtout connue pour son utilisation sur des buffets à pierre lyonnais, mais il n'est pas étonnant que les Hache, qui ne se sont pas contentés des marbres du Dauphiné pour recouvrir leurs meubles (n'en ont-ils pas fait venir jusque depuis les Pyrénées), se soient intéressés, dans leurs recherches incessantes de nouveautés, à cette belle pierre calcaire, et ainsi celle-ci aura donc voyagé par le Rhône puis l'Isère pour arriver à Grenoble. Le buffet répertorié par Marianne Clerc (dernière photographie en documentation) pourrait d'ailleurs bien être couvert d'une pierre de même provenance.

Pour faire supporter un tel poids, le meuble n'étant pas sur plinthe comme c'est l'usage sur les buffets de chasse, mais sur pieds à volutes, Pierre Hache n'a pas lésiné... Donnons ici quelques dimensions : la traverse supérieure est prise dans une section de 10 cm, la traverse basse de 7,5 cm à laquelle est rapportée une traverse de sapin de 3,5 cm, soit 11 cm, les pieds arrière sont pris dans une section de 4 x 16 cm, et les pieds avants dans une section de 8,5 x 16 cm. Quant à la qualité des assemblages, elle est absolument exceptionnelle, ce qui explique que le meuble n'a pas bougé.
Terminons en signalant quelques autres points de détails que ce meuble partage avec la plupart des buffets de Pierre Hache référencés et qui sont caractéristiques de son travail : les panneaux sont lisses (sans plate-bande), le faux-dormant n'est pas placé sur le battant gauche comme à l'habitude mais sur le battant droit qui porte la serrure. Il n'y est posé qu'une seule entrée de serrure fonctionnelle au centre du faux dormant et ainsi donc pas d'entrée factice. Mais le plus remarquable sur chacun de ces buffets (et particulièrement sur le nôtre) s'observe sur les montants avant, d'une section formidable et avec un large chanfrein galbé se rétrécissant à la jonction des moulures pour former l'arête du pied.

 

 

 

Grenoble - Epoque Louis XV - milieu du XVIIIe siècle.

 

 

État : exceptionnel, proche "du neuf", superbe patine (rempli-ciré) ancienne blonde.

 

Dimensions : 111 cm de haut x 162 cm de large x 76 cm de profondeur.

   
 

 

 
 
 

" L’œuvre des Hache est unique. Nulle part ailleurs dans l'ébénisterie on ne retrouve,
à ce point frappante, l'originalité créatrice née d'un talent artisanal. "
Louis Faton

 
 
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DOCUMENTATION

Le Génie des HACHE - Pierre Rouge / Éd. Faton

Le Génie des HACHE - Pierre Rouge / Éd. Faton
Nous sont révélés ici les deux seuls autres buffets à portes de Pierre Hache connus.

LA GAZETTE DROUOT – Buffet reproduit Planche 209 ci-dessus.
 
LE GUIDARGUS DU MEUBLE REGIONAL - Yves Gairaud / Les éditions de l'amateur – Buffet reproduit Planche 210 ci-dessus.
 

LE GUIDARGUS DU MEUBLE REGIONAL – Yves Gairaud / Les éditions de l'amateur
Il est intéressant de mettre en perspective le prix obtenu par le buffet de Pierre Hache par le biais de ceux de ces deux buffets lyonnais,
soit à lui seul le prix de trois buffets à pierre lyonnais.
 

Provenance ancienne collection Bernard Baruch Steinitz au château de Saint-Paul en Cornillon / Vente Ader Tajan du 31 mai 1992.
Alors vendu 500.000 francs au marteau (soit, frais de vente ajoutés et converti en euros, au niveau de l'estimation basse ci-dessus).
La présence d'une étiquette de Jean-Francois Hache, qui l'a très probablement posée après avoir restauré le meuble, conduit nos
commissaires-priseurs dans l'erreur. Il est d'ailleurs reproduit (planche 213 / avec cinq autres dont les trois ci-dessus) dans l'ouvrage
Le génie des Hache et donné par Pierre Rouge comme : "Buffet d'apparat - Pierre Hache".
 
HACHE Ébénistes A-Grenoble – Marianne Clerc / Éd. Glénat