Tableau La-coupeuse de choux ou Le Midy Atelier de Jean Baptiste Santerre XVIIIe

La coupeuse de choux dit Le Midy.
Atelier de Jean-Baptiste Santerre.

 

 

Importante huile sur toile représentant, peinte à mi-corps et mise en valeur par un savant clair-obscur, une jeune servante se préparant à la découpe d'un choux, le regard songeur et quasi énigmatique tourné vers l'observateur.

 

Atelier de Jean-Baptiste Santerre, époque première moitié du XVIIIe siècle.

 

[Tableau vu par Éric Turquin et confirmé comme tel.]

 

 

Les spécialistes signalent l'exemplaire du musée de Bordeaux comme étant le plus fidèle et le plus réussi de tous. Notre tableau est au plus proche de ce dernier, tant en format, qualité et enfin palette des couleurs.

 

 

Dimensions :

Châssis : hauteur 93 cm x largeur 74 cm.

(format 30 F).

 

 

État :

Tableau non rentoilé, retendu sur un châssis à clé au XIXe.

Nettoyé et reverni par notre restauratrice.

 

 

 

 

Jean-Baptiste Santerre (Magny-en-Vexin 1651 - Paris 1717) : peintre d'histoire et de portraits. Le jeune peintre se forme tout d'abord aux côtés de François Lemaire, puis entre en apprentissage chez Bon Boulogne en 1675. Singulièrement, on ne conserve presque aucune trace de son activité avant 1698. Santerre est finalement reçu à l'Académie Royale de peinture et de sculpture comme peintre d'histoire en 1704 avec une Suzanne au bain (Paris, musée du Louvre). Logeant au Louvre, il aborde à la cinquantaine la partie officielle de sa carrière, se tournant vers l'art du portrait et multipliant les figures de fantaisie qui font son succès et lui valent de nombreuses commandes. Ses œuvres des plus inspirées sont souvent qualifiées de sensuelles (on cite notamment le cas de sa Sainte Thérèse qui fait scandale et à propos de laquelle d'Argenville écrit : « Les caractères des têtes sont si beaux, l'expression et l'action en sont si vives qu'aux personnes scrupuleuses ce tableau paraît dangereux et même les ecclésiastiques évitent de célébrer nos Saints mystères à l'autel de cette chapelle. ». Remarqué par Louis XIV, il reçoit également, à la fin de sa vie, un soutien affirmé de la part du Régent. Ainsi plusieurs tableaux entrent dans les collections royales : citons La Madeleine et Marie-Adélaïde de Savoie (Le Louvre), un Portrait du Régent et Le Régent et la déesse Minerve sous les traits de la comtesse de Parabère (Versailles). Et si les historiens de l'art s'accordent à lui trouver un grand talent de dessinateur et de coloriste qui en font l'un des plus grands portraitistes de son temps, ils mettent principalement en avant son influence, en tant qu'artiste de la peinture de chevalet, sur la peinture française de la première moitié du XVIIIe.

Toute cette partie de son œuvre se rapporte au sujet dit "de caprice". ll est incontestable que Santerre est un artiste inspiré et ses tableaux, aux antipodes du mièvre, nous étonnent et nous interpellent d'autant plus qu'il a su prendre de la distance avec l'académisme, transcender les genres et, en réinterprétant les maîtres flamands, expérimenter le tableau de chevalet sur des thèmes variés faisant appel à l'imagination créatrice (en s'écartant d'un réalisme plus convenu).

Ces figures féminines lui permettent de jouir d'un franc succès auprès des amateurs éclairés dans les deux premières décennies du XVIIIe siècle : le Mercure Galant rapporte qu'« on se les arrachait, pour ainsi dire, des mains, et qu'on les poussa à un prix considérable. ». Grand spécialiste de Jean-Baptiste Santerre, Alfred Potiquet résume ainsi l’engouement que son travail suscite au début du XVIIIe siècle : « Il peignait des têtes de fantaisie, où il mettait les traits les plus agréables de ceux pour qui il les faisait. Ce procédé assez excentrique ne diminua pas sa clientèle et augmenta le nombre des admirateurs de son talent.».

Citons aussi Claude Lesné, J.- B. Santerre (1651 – 1717), mémoire de thèse de l’École du Louvre, J.- P. Cuzin [dir.], 1985, tome I. « […] l’un des traits originaux de cet artiste, comme du mouvement pictural auquel il appartient : la refonte et l’adaptation au goût du jour des sujets traités au XVIIe siècle par les Flamands et les Hollandais. Les petites scènes d’intérieur de ces derniers, situées dans des offices, cuisines ou chambres bourgeoises, abordées dans une veine pittoresque, et animées de petits personnages en pied sont remplacées par des modèles isolés, des trois-quarts ou à mi-corps devant un fond neutre, accompagnés seulement de quelques accessoires représentatifs. ».

Lors d'un colloque consacré Jean-Baptiste Santerre, Emmanuel Faure-Carriburu décrit parfaitement le « singulier mélange des genres dont ses œuvres sont l'expression », un certain « flottement de cloisonnement » des « images tendues entre la description d'une classe sociale et une soucis d'érotisation des corps » et dans lesquelles se dessine souvent une double lecture possible (et ici pourquoi pas une référence discrète à Judith coupant la tête du général Holopherne)... Et de citer Claude Lesné : « l'expression rêveuse et l'épaule dénudée contrastent quelque peu avec l'emploi, l'utilisation de tons clairs et variés confirme cette recherche de séduction. ».

 


Gravures du XVIIIe siècle.

 

Ainsi, parmi ses rares tableaux, le sujet de La jeune fille au choux témoigne de l'un des plus grands mérites du peintre : l'invention des figures de fantaisie, genre hybride situé à mi-chemin entre le portrait et la scène de genre.

On connaît plusieurs autres versions de l'œuvre (l’original, présentée au Salon de 1704, de l’Ancienne Collection Blondel de Gagny, est aujourd'hui disparu), dues à l'atelier ou aux disciples de Santerre, dont celles (de tailles légèrement variées) aujourd'hui dans les musées de Bordeaux et de Reims (voir en documentation), de Calais, Arbois et du Mans.
Cela n'a rien d'étonnant considérant l'importante renommée de ce peintre de son vivant, surnommé le "Corrège français" et à propos de qui Voltaire déclare : « Son tableau d’Adam et Eve* est un des plus beaux qu’il y ait en Europe. ». (Signalons au passage qu'il s'agit d'ailleurs à nouveau d'un tableau qui fit grand scandale, et non pas parce qu'il représentait le Régent et sa maîtresse, mais du fait de son anomphalisme).
* Philippe d’Orléans et sa maîtresse Marie Madeleine de la Vieuville, comtesse de Parabère, en Adam et Eve (Colorado, collection privée).

 


Catalogue édité par la Galerie Terrades

 

 
Tableau La coupeuse de choux cuisinière atelier de Jean Baptiste Santerre 18e entre portrait et scène de genre
Tableau La coupeuse de choux cuisinière servante caprices Santerre 18e
DOCUMENTATION
Tableau du musée des Beaux-Arts de Bordeaux
Notre tableau confronté à l'exemplaire du musée de Bordeaux (format 91,8 cm x 73,5 cm).
Tableau du musée des Beaux-Arts de Reims (format 81,1 cm x 65,1 cm).
 
Deux versions passées en ventes publiques