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Toute-petite-commode-entre-deux-placage-Paris-époque-Régence-François-Lieutaud-XVIIIe

COMMODE D'ENTRE-DEUX RÉGENCE
ATTRIBUÉE A FRANÇOIS LIEUTAUD

 
     

 

Très rare et très petite commode d'entre-deux d'époque Régence.

Galbée toutes faces, elle ouvre à trois tiroirs séparés par des traverses foncées de cannelures de laiton et est coiffée d'un marbre Petit Antique épousant ses contours. Construite sur bâti de sapin, recouverte d'un placage de palissandre marqueté en frisage dans des encadrements, elle présente des galbes et des chantournements particulièrement élégants et est parée d'une ornementation de bronzes dorés à la ciselure de très belle qualité : poignées de tirage et entrées de serrures, cul-de-lampe au tablier, larges chutes d'angle à feuillage godronné et sabots à fonds réticulés.

Le bâti est en sapin, comme c'est l'usage le plus courant pendant toute la période Régence, mais avec ses fonçures de tiroirs en noyer (cœur de noyer pour leurs planchers), ce qui l'est encore davantage des meubles de qualité de cette période, et bien entendu à montage dit «à fonds rampants» toutes faces (rappelons que ce montage dit plus couramment "en feuillure" ou encore "à encastrement", typique des maîtres parisiens, est signe d'une fabrication soignée, et qu'il procure l'avantage de faire glisser le tiroir tout entier sur un plancher sur toute la surface de son fond, rendant inutile la pose de coulisseaux et épargnant ainsi à long terme tout risque d'usure des bords de traverses intermédiaires). On observe sur le plancher la présence d'un badigeon ocre-rouge (hélas peu visible sur les clichés), à voir derechef comme le signe d'une finition soignée, et que l'on rencontre couramment à cette période. Notre ébéniste qui a eu loisir de l'observer sous toutes les coutures s'est exclamé : "Celui-là il savait ce qu'il faisait, c'est le travail d'un bon maître".
Nous avons pu en effet l'observer avec lui et constater que cette petite commode est bâtie quasiment selon les mêmes montages utilisés par Thomas Hache sur ses commodes à partir de 1715, ce qui est vraiment garant d'un travail ancien : par l'avant, avec fixation à queues d'aronde du plancher mais également des traverses (qui ne font qu'un avec les épais planchers intermédiaires) aux côtés monoxyles, tandis que se termine l'assemblage par les deux planches du dos qui viennent glisser dans les feuillures pratiquées à l'arrière des côtés.

Pour autant il n'est pas facile de se risquer à une attribution, même si un indice nous est donné par les sabots de bronze, rigoureusement identiques à ceux utilisés par l'ébéniste François Lieutaud pendant la Régence. Ceci nous conforte tout d'abord pour ce qui concerne la datation de notre commode et l'évaluation de sa qualité.

Mais en poussant plus loin l'examen et la comparaison des sabots de bronze de notre commode et de ceux de notre autre commode estampillée de Lieutaud, nous observons une semblable petite imperfection (due à un manque de matière à la sortie du moule) sur le côté droit de chacun d'eux (visible en façade sur le pied gauche et en côté sur le pied droit). Nous plongeant dans la documentation, nous mettrons peu de temps à trouver le même bronze avec encore la même petite perce sur un bureau estampillé Lieutaud passé tout récemment en vente publique chez Crait Muller (photographies en documentation). Cette constance dans le même petit défaut de fabrication ne peut être le fruit du hasard (mais bien la résultante d'une usure du moule), et nous en arrivons à la conclusion que les bronzes de ces deux commodes et de ce bureau sortent du même atelier de fondeur, et en l'occurrence celui de Lieutaud lui-même, qui était rappelons-le, par privilège royal, fondeur et ébéniste.
Dès lors nous attribuons avec certitude notre commode à l'ébéniste François Lieutaud.

[Et songeant aux points communs du bâti de notre commode avec les bâtis de Hache que avons mis en évidence et à notre forte intuition personnelle évoquée par ailleurs que Thomas Hache se fournissait en bronzes chez Lieutaud, nous ne pouvons que suggérer ici que les deux ébénistes - deux méridionaux nés à moins d'un an d'intervalle, l'un à Toulouse, l'autre à Marseille, et qui ont ainsi pu facilement se rencontrer avant même la venue de lieutaud à Paris- entretenaient des liens de collaboration étroits. A noter que, Hache mis à part, nous n'avons jamais eu l'occasion de voir les bronzes bien spécifiques de Lieutaud sur des commodes estampillées par d'autres, hormis peut-être des productions de Noël Gérard (dit longtemps "Le Maître aux Pagodes")... Voilà qui ne gâte rien.]

 

 

LIEUTAUD François (1665 - 1748), ébéniste d'origine marseillaise qui reçut ses lettres de maîtrise à Paris à la fin du XVIIe siècle et fut actif sous Louis XIV et la Régence. Il travailla dans l'enclos privilégié du cloître Saint-Jean-de-Latran et Louis XIV lui accorda le rare privilège de pouvoir créer et fabriquer les bronzes de ses meubles (à cette époque en effet la corporation des bronziers-fondeurs s'en arrogeait l'exclusivité). Nous savons aussi qu'il œuvra en collaboration avec Noël Gérard (qui était également marchand mercier) mais aussi avec Charles Cressent et même André-Charles Boulle (qui le désigna comme son expert personnel au cours d'un procès en 1719). Il est à l'origine d'une dynastie d'ébénistes puisque son fils Charles ainsi que son petit-fils Balthazar (célèbre pour ses régulateurs) exerceront le même métier. Longtemps demeuré inconnu des historiens de l'art du fait de son estampille aux simples initiales (rappelons que l'usage de l'estampille ne fut réglementé et répandu que seulement durant l'époque Louis XV) il figure parmi les plus grands ébénistes de son temps.

Pour en savoir plus, à lire sur le site : https://www.anticstore.com/ebeniste/lieutaud-francois

Propos de l'étude Quai des Enchères en descriptif d'un bureau en vente à Macon le 26 juin 2022.
"Ce grand bureau plat est attribué à François Lieutaud, ébéniste célèbre de l’époque Louis XIV et de la Régence, qui livra le roi à Versailles.
Les bronzes dorés de celui-ci sont également particulièrement remarquables... Rien d’étonnant lorsque l’on sait que le roi avait offert à Lieutaud le rare privilège de pouvoir fondre dans son atelier de la rue Saint-Nicolas, alors que cette fabrication était réservée à la corporation des bronziers. Ce bureau est à rapprocher de ceux estampillés « FL » conservés à la Residenz Ansbach et au château Nymphenburg de Munich. Rappelons que le travail d’attribution reste difficile puisqu’à l’époque l’obligation d’estampiller n’avait pas cours (elle ne fut imposée qu’en 1743). François Lieutaud ne signait en effet que rarement ses meubles, et uniquement de ses initiales."

 

Cette toute petite commode s'inscrit parfaitement dans le cadre de la période Régence durant laquelle une souplesse nouvelle des lignes donne le ton dans des pièces plus intimes, faisant parfaitement la transition entre rigueur du Louis XIV et exubérance du Louis XV. Sa petite taille, ses galbes de façade et de côté encore peu prononcés, ses cambrures de pied encore retenues, ses découpes de pied et de traverse en voûtes délicatement infléchies, ses cannelures de laiton, ses bronzes toujours attachés à la symétrie, tout est ici illustration du passage entre les deux grands styles du mobilier français.
Bien entendu elle pourrait, comme d'autres, avoir été fabriquée dans les débuts de l'époque Louis XV, car il faudra bien comprendre qu'au soir de la mort du Régent, soit le 2 décembre 1723, les ébénistes parisiens ne se sont pas dit unanimement : "Mordieu! Demain nous allons faire du Louis XV"*. Mais quoi qu'il en soit Lieutaud était alors dans sa 58eme année et on ne connait d'ailleurs pas de meuble Louis XV de sa main. (Pour la commode Louis XV estampillée FL livrée vers 1750 à Madame de Pompadour : sachant que Lieutaud est décédé en 1748 nous pouvons imaginer qu'elle fut faite par son fils Charles Lieutaud, dont on ne connait pas d'estampille propre et qui aura utilisé le fer de son père).

(*La Régence est à la mode, La Régence fait vendre...
Mais n'allons pas pour autant aujourd'hui -et sous prétexte qu'une partie de la clientèle manque cruellement de connaissances et veut éviter de payer au juste prix, alors que pourtant le très beau mobilier XVIIIe n'a jamais été aussi abordable et n'est d'ailleurs pas à son vrai prix- présenter des commodes "d'époque Régence" qui, comme nous le voyons allègrement sur d'autres sites, présentent des bronzes en totale asymétrie, quand ils ne sont pas Louis XVI ou encadrés de Grecques, et voire même posés comme nous l'avons vu sur une commode provinciale qui peut à peine prétendre dater du XVIIIe.)

Le marbre Petit Antique, dit aussi Noir Pompéen est un marbre brèche originaire des Hautes-Pyrénées dont l'exploitation remonte à l'antiquité. On le rencontre rarement, et exclusivement sur des meubles de haute qualité. Nous en voyons ici un bel exemplaire.

 

Cette commode de très belle facture se présente dans un superbe état d'origine, dans son intégrité de placage, toujours parée de ses bronzes d'origine et des ses trois anciennes serrures en fer. Le marbre, incontestablement XVIIIe, est assurément également d'origine (à signaler un bris réparé à l'angle arrière gauche).

 

Meuble parfaitement restauré et reverni au tampon par notre ébéniste.

 

Travail parisien d'époque Régence.

   
 

 

 
 
 
 

Dimensions :
81,5 cm de haut
63,5 cm de large (à l'avant du marbre) - 71 cm (à l'arrière)
39 cm de profondeur.


 
 

Petite-commode-placage-de-palissandre-ébéniste-parisien-Paris-époque-Régence-Lieutaud-Paris

 
 

Vue de trois quarts droit.
 
 

 

 
 

Petite-commode-sauteuse-parisienne-marqueterie-époque-Régence-François-Lieutaud

 
 

Vue de trois quarts gauche.
 
 

 

 
 

Commode-dessus-marbre-petit-antique

 
 

Vue du dessus.
 
 

 

 
 

 
 

Vue de chacun des côtés de la commode.
 
 

 

 
 

 
 

Détail des bronzes dorés finement ciselés : entrée de serrure, poignée de tirage et chute d'angle,
 
 

 

 
 

 
 

sabot et cul-de-lampe.
 
 

 

 
 

 
 

Montage des tiroirs.
 
 

 

 
 

 
 

Plancher monté à queues d'arondes au sommet du côtés.
 
 

 

 
 

 
 

La commode, tiroirs ôtés.
Planchers intermédiaires et traverses ne font qu'un, ajustés par queues d'aronde aux côtés.
 
 

 

 
 

 
 

Le dos de la commode.
 
 

 

 
 
 
 

DOCUMENTATION