Exceptionnelle commode bureau en bibliothèque dite "scriban" ,

galbée toutes faces en acajou moiré de Saint-Domingue.

Au XVIIIe siècle, ce meuble est plutôt désigné sous le terme de bureau-cabinet, il est la combinaison de deux, voire trois meubles en un, comme c'est le cas ici : "une commode, presque toujours en tombeau, pour la partie inférieure; un secrétaire en pente au dessus, le gradin intérieur organisé à la manière d'un cabinet, des tiroirs galbés en retrait concave encadrant une porte en tabernacle; enfin l'ensemble supporte éventuellement une armoire, dans le cas le plus complet." M.F. Lacoue-Labarthe - Meubles bordelais, meubles de port.

Au contraire de la table en cabaret, ce n'est pas de l'influence parisienne que naquit la mode des commodes scribannes dans les grands ports français mais bien plutôt des relations que ceux-ci entretenaient avec les Pays du Nord. Il faut en effet voir son origine dans le cabinet hollandais ou "schrifcabinet" dont le corps inférieur est fortement bombé. Ce meuble, tout à la fois fonctionnel et avec un fort esprit de représentation traduit bien le faste des sociétés marchandes du XVIIIe. A Bordeaux par exemple, plus encore que la fameuse commode en tombeau, la commode scribanne est le véritable meuble de l'armateur fortuné ou du riche négociant bordelais.

Très proche du modèle bordelais, mais plus petit dans ses proportions et avec des côtés moulurés sans traverse intermédiaire, agrémenté de très particulières garnitures de laiton, ce meuble de commande révèle parfaitement ses origines rochelaises.

La partie commode ouvre par trois tiroirs sur trois rangs et est galbée en plan et en élévation (sur un meuble de ce gabarit, des galbes si prononcés nécessitent des sections plus épaisses qu'à l'habitude et on remarquera -cliché de dos- que l'artisan aura, pour éviter des sections trop importantes, positionné les montants arrière de biais), elle repose sur quatre pieds "en escargots". On notera la qualité des entrées de serrure et des platines des poignées, finement découpées et très finement gravées. Dans cette partie, tout est fait d'acajou massif, à l'exception des fonçures des tiroirs qui sont en chêne maillé de la plus belle des qualités.

La partie bureau ouvre par un abattant découvrant huit tiroirs galbés munis de charmants boutons à rosaces vernis à l'or. Au dessus, quatre gradins sont surmontés chacun d'un petit tiroir à chant plat

tandis qu'au centre une porte tabernacle galbée vient bloquer un autre petit tiroir galbé (et quasi secret). Le meuble dispose, outre de ces treize tiroirs au total, de trois caves secrètes. Notons que toute la partie bureau est cette fois fabriquée entièrement en acajou, fonçures des tiroirs comprises, en acajou de fil, et pour les parties de façade, en acajou moucheté.

La partie bibliothèque ouvre par deux larges battants cintrés, qui épousent le galbe de la corniche dit à double accolade". Elles sont fabriquées à panneaux pleins sans dormant, d'une seule et même large planche d'un exceptionnel acajou moiré (rappelons que le moiré est avec le ronceux, l'acajou le plus cher et peut-être à ce titre considéré comme l'un des bois sinon le bois le plus cher au monde. Ajoutons que lorsque nous le désignons ici sous le terme d'acajou de Saint-Domingue c'est pour davantage d'exactitude, mais nous parlons bien du bois désigné sous l'appellation plus courante d'acajou de Cuba), bois qui se retrouve sur les tiroirs de la commode et sa large traverse supérieure, l'abattant et le bâti tout entier du bureau, les panneaux des côtés du meuble, les encadrements étant fabriqués dans un superbe acajou de fil. Notons ici que toute la partie bibliothèque est exclusivement en acajou massif (plafond et dos compris, et jusqu'aux crémaillères et leurs tasseaux amovibles) et arrètons-nous à nouveau sur la qualité des garnitures de laiton, et plus particulièrement des entrées de serrure.

Meuble d'excellence, aux rares proportions, fabriqué dans un bois d'une qualité exceptionnelle et parfaitement bien mis en valeur par l'artisan ébéniste, et enfin dans un état de conservation d'origine absolument remarquable sublimé par un rempli-ciré d'un très beau fini.

Travail rochelais du XVIIIe siècle.

Dimensions : 2,17 m de hauteur x 0,97 m de largeur x 0,50 m de profondeur.

DOCUMENTATION

Documentation Argus Valentine's.
Le meuble passé en vente publique il y a plus de vingt ans à Drouot
(sensiblement dans l'état où nous l'avons trouvé, c'est à dire avec un vernis insolé, ce qui explique qu'il soit dit en acajou blond).

Documentation Ancienne collection Antiquités Philippe Glédel.
Un autre scriban de petites dimensions, cette fois en acajou moucheté.
(Il existe de nombreux points de ressemblance entre ces deux meubles rochelais qui pourraient provenir du même atelier).