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Rare commode louis
XV ouvrant à cinq tiroirs sur trois rangs en placage
de bois de violette, bois de rose, sycomore, érable ondé
et bois de houx.
Elle est coiffée d'un épais marbre Brèche d'Alep
mouluré en bec de corbin.
Riche ornementation de bronzes dorés telles qu'entrées
de serrure,
poignées de tirage, tablier, chutes (rapportées) et sabots.
Bâti et fonçures
tout en bois de chêne.
Dimensions : 90 cm de haut x 132 cm de
large x 65 cm de profondeur.
Travail parisien d'époque Louis
XV, par François Edme Dorbegue.
Le meuble se présente restauré
et vernis au tampon par un ébéniste. |
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Une commode qui parle ?
Cette commode est d'un très beau modèle de la pleine
période du Louis XV, haute sur pieds, aux lignes pures mais
avec de belles amplitudes, plaquée de cinq bois différents,
seulement cinq serait t'on tenté de dire tant on assiste à
un chatoiement de couleurs bigarrées.
Mais bien entendu, c'est à la disposition harmonieuse et aux
combinaisons savamment ordonnées des essences que l'on doit
cet aspect. Ainsi les tiroirs se voient bordés d'un rang de
bois de rose, puis d'une large réserve de bois de violette
suivie d'une autre où l'on retrouve le bois de rose souligné
d'un filet de houx et imbriqué d'une frise de grecques en érable
ondé également soulignée d'un filet de houx,
le tout encadrant une marqueterie de cubes en bois de rose et bois
de violette alternés et bois de sycomore teinté tabac.
On retrouve en côté une disposition parfaitement similaire.
Cette combinaison de marqueterie porte le nom de marqueterie de cubes
sans fond.
Autre intérêt de cette commode, et qui n'est sans doute
pas des moindres, "elle nous parle" puisque figure sur le
côté du tiroir central une rare signature manuscrite
à l'encre où l'on peux lire :
" Jay et
faite par Fraçois Edme Dorbegue pour Mr Bernar dans l'anné
1772, au mois de décembre rue Pt .... à Paris ".
Marbre d'Alep, garniture de bronze,
fonçures de chêne, marqueterie de cubes, au premier coup
d’œil la commode révèle son origine parisienne.
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Un ébéniste inconnu ?
Le nom de Dorbegue n'est pas répertorié dans la liste
des ébénistes du XVIIIe, à cela nous pouvons
formuler plusieurs hypothèses.
Tout d'abord remarquons que la
dédicace au propriétaire indique qu'il s'agit d'un travail
de commande, et la mention "jay été faite" que
nous n'avons pas affaire à un simple marchand de meubles mais
bien à l'artisan ayant fabriqué le meuble lui même.
François-Edme Dorbegue a t-il été un ouvrier marqueteur
travaillant pour un maître ébéniste parisien ? Il
est un fait qu'il ne signe pas ici un simple panneau de marqueterie
mais bien un meuble tout entier. Nous sommes donc en présence de l'oeuvre d'un véritable ébéniste.
Fut-il alors un ouvrier libre, car en effet nombre d'artisans du XVIIIe
n'ont pas accédé à la maîtrise, du fait notamment
des conditions d'accession et d'enregistrement coûteuses et astreignantes.
Prenons le cas par exemple de Jacques Dautriche, resté longtemps
inconnu alors que l'on attribuait nombre de ses oeuvres à Oeben
lui même. Originaire des Pays-Bas, compagnon menuisier dès
1746, il ne deviendra maître ébéniste qu'en 1765.
"Près de vingt années se sont écoulées
entre la fin de sa formation et son accession à la maîtrise."
dixit Morgan Blaise. Nous savons d'autre part que des maîtres,
tels que Boudin par exemple qui utilisait la marqueterie de cubes, recevant
de nombreuses commandes, faisaient appel à d'autres ébénistes,
et qu'en ce cas ces derniers estampillaient très rarement les
meubles qui leur étaient ainsi commandés (rare présence
de la double estampille). De simples ouvriers libres, travaillant pour
des ébénistes renommés et n'utilisant pas d'estampille
demeureront ainsi inconnus.
Mais bien entendu, François-Edme Dorbegue a pu être un
maître ébéniste qui est tout simplement encore inconnu,
et il est même possible qu'il est fait par ailleurs usage d'une
estampille.
Car quoi qu'il en soit, la présence d'une marqueterie de cubes
associée à une frise de grecques, sur un meuble daté
1772, indique que nous avons affaire à un ébéniste
de premier ordre. En effet, la véritable (précisons bien véritable car le terme
est parfois galvaudé) marqueterie à
cubes sans fond - La marqueterie à cubes sans fond
donne une perspective, une image en 3 D dirait-on aujourd'hui - Lire
en documentation l'extrait de l'ouvrage : Le meuble d'ébénisterie
de G. Janneau). Elle n'a été employée que par des
ébénistes parmi les plus prestigieux. D'autre part, nous
sommes en 1772, à la fin du règne de Louis XV, le style
en vogue est alors La Transition et visiblement, sans aller dire qu'il
se montre ici novateur, notre ébéniste n'est cependant
manifestement pas à la traîne.
Les recherches évoluent au fil des décennies, ainsi, et
bien que cela paraisse incroyable, nous ignorions l'existence
d'une dynastie toute entière, et qui compte pourtant en son sein
quelques uns des plus grands ébénistes du XVIIIe
siècle, les Van Risen Burgh, et ce il y a seulement moins de
25 ans... Des découvertes sont encore à
faire, et voici déjà un bon début en ce qui concerne
notre ébéniste : un acte de mariage enregistré
à Paris en juin 1749 faisant état d'un certain François
Thomas Dorbegue, ébéniste de son état. Est-il le
père de François Edme Dorbegue? C'est en effet une très forte
probabilité.
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Superbe marbre Brèche d'Alep. Ce type de marbre était
réservé au XVIIIe siècle au mobilier de
grande qualité. Bien que faisant partie des variétés
les plus fragiles, celui-ci est bien un marbre XVIIIe. C'est
le marbre d'origine de la commode et il a donc, tout comme elle, 240
ans d'existence.
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