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Très rare petite commode d'entre-deux en sauteuse d'époque Régence.
Bombée en façade, coiffée d'un remarquable marbre Griotte de Campan rouge épousant ses contours, elle ouvre à deux larges tiroirs.
Recouverte, sur bâti de sapin, d'un placage
de palissandre marqueté en feuilles dans des encadrements, à chevrons en façade, à frisage en diamant en côtés, elle présente des galbes et des chantournements particulièrement élégants.
Foncée de canaux de laiton, elle se voit parée d'une ornementation de bronzes ciselés et dorés (ancienne dorure au mercure) de grande qualité : boutons de tirage à rosaces, entrées de serrure aux chimères affrontées, chutes d'angle aux têtes d'amérindiens empanachés (rappellons que nous sommes à la pleine époque de la Louisiane et de la Nouvelle-France), sabots en chaussons et cul-de-lampe au tablier.
Le bâti est en sapin, à badigeon rose sur les faces, et tels que les maîtres ébénistes en ont conservé l'habitude pendant toute la période Régence, avec un montage des tiroirs dit « à fond rampant » toutes faces (rappelons que le montage en feuillure ou encore à encastrement, typique des maîtres parisiens, est signe d'une fabrication soignée, et qu'il procure l'avantage de faire glisser le tiroir tout entier sur un plancher sur toute la surface de son fond, rendant inutile la pose de coulisseaux et épargnant ainsi à long terme tout risque d'usure des bords de traverses intermédiaires).
Cette petite commode s'inscrit pleinement dans la période transitoire de la Régence, pendant laquelle souplesse et symétrie donneront le ton, en équilibre entre rigueur du Louis XIV et exubérance du Louis XV. Son galbe de façade peu prononcé, ses cambrures de pieds encore retenues, ses découpes de traverse en voûtes délicates sont une parfaite illustration du passage entre les deux grands styles du mobilier français.
Le modèle lui même, la qualité et surtout le style particulier de ses bronzes, qui pour certains d'entre eux (voir le cul-de-lampe en documentation) constituent une véritable signature (on sait en effet que Doirat conservait la propriété exclusive de ses modèles. Son inventaire après décès fait état aussi bien de modèles en plomb que de bronzes stockés et plus ou moins prêts à être utilisés sur des meubles / effectivement nous n'avons jamais pu observer ce cul-de-lampe sur une commode qui n'était pas de sa main) nous permettent d'attribuer formellement cette commode à Étienne Doirat. L'absence d'estampille, loin d'être un embarras, est plutôt à voir ici comme un gage d'ancienneté, puisque l'on sait que Doirat n'a commencé à estampiller que dans les dernières années de la Régence et que toute la première partie de sa production ne l'est pas.
Pour en apprendre davantage sur l'ébéniste Doirat :
Le Griotte de Campan rouge est l'un des plus beau marbre qui soit et, tout comme le Griotte rouge avec lequel on le confond, il fut très apprécié par les plus grands maîtres parisiens actifs autour des années 1700 (Doirat bien entendu, mais aussi André-Charles Boulle et Charles Crescent). Ces deux marbres français tirent leur nom de leur fond rouge vif et sombre, mais le premier, exploité dans la vallée de Campan près de Bagnères de Luchon, se reconnait à ses plus nombreuses veines de calcite blanches et surtout à son ciment vert foncé.
"Le marbre Campan est un type de marbre issu des carrières du site Campan situées dans la haute vallée de l'Ardour dans les Hautes-Pyrénées. Ce marbre se décline en plusieurs variétés, toutes identifiables par leurs veines vertes, sombres et marquées : le Campan rubané, le Campan vert, le Campan rose et vert, le Campan grand mélange et une variété de Griotte rouge.
Si ce matériau est utilisé dès le Ier siècle avant Jésus-Christ et au Moyen-Âge, il faut attendre François Ier pour donner de l'impulsion à sa production. Véritable bijou, le marbre Campan est employé comme une pierre précieuse et orne les façades d'édifice avec d'autres marbres polychromes.
Son utilisation arrive à son apogée sous Louis XIV, qui l'introduit en abondance dans le château de Versailles. Le marbre Campan répond à une véritable symbolique royale : les formes qu'on lui donne rappellent une Antiquité triomphante tandis que le matériau en lui-même évoque une certaine fierté nationale...Aujourd'hui, les carrières sont fermées et classées."
Antiquités Marc Maison - Le blog.
Et pour en apprendre encore davantage sur le marbre Griotte de Campan : https://www.persee.fr/doc/arsci_0399-1237_2000_num_24_1_993
Cette commode de très belle facture se présente dans un exceptionnel état d'origine, dans son intégrité de placage, avec tous ses bronzes d'origine et ses deux anciennes serrures en fer actionnées par une clé à anneau en bronze ajouré.
Meuble parfaitement restauré et reverni au tampon par notre ébéniste.
Travail parisien d'époque Régence. |
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