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Rare petite commode d'entre-deux d'époque Louis XV en bois de placage, de forme mouvementée, à trois rangs de tiroirs encadrés de montants saillants dits à épaulement. Côtés évasés. Plateau de marbre Griotte rouge de Belgique à double profil.
Galbée toutes faces, coiffée d'un marbre rouge veiné de blanc épais de 35 millimètres, à ressaut sur les angles et mouluré d'un bec-de-corbin souligné d'un cavet, elle ouvre à trois tiroirs. Elle présente des galbes particulièrement cossus et d'élégants chantournements. Construite sur bâti de chêne recouvert d'un placage de bois de violette marqueté en chevrons et en ailes de papillons sur les tiroirs dans des encadrements de bois de fil ourlés d'une bande contrastée en alternance de bois de cœur et d'aubier, et à quarte-feuille en chevrons pour les côtés.
Elle est parée d'une importante ornementation de bronzes ciselés et dorés de haute qualité : rares poignées de tirage et larges entrées de serrure sur les tiroirs, tablier, chutes d'angle et sabots ajourés, bronzes d'origine finis d'une remarquable ciselure dans le pur style rocaille. Chacun des bronzes est poinçonné de la fameuse marque au C couronné.
Le bâti est également de très belle qualité, entièrement fabriqué en chêne avec un montage des tiroirs dit « à fond rampant » toutes faces (rappelons que le montage en feuillure ou encore à encastrement, typique des maîtres parisiens, est signe d'une fabrication soignée, et qu'il procure l'avantage de faire glisser le tiroir tout entier sur un plancher sur toute la surface de son fond, rendant inutile la pose de coulisseaux et épargnant ainsi à long terme tout risque d'usure des bords de traverses intermédiaires). Signalons enfin un poids très étonnant eu égard à son faible encombrement.
A propos du C couronné :
"Les bronzes d'un certain nombre de meubles Louis XV portent un poinçon constitué de la lettre C surmontée d'une couronne qui a longtemps intrigué les spécialistes. Depuis la thèse publiée en 1924 par Henri Nocq, reprise en 1937 par Pierre Verlet, on sait désormais que ce poinçon sanctionne un impôt payé entre 1745 et 1749 sur les bronzes et les cuivres. (...) les bronzes au C couronné correspondent presque toujours, par leur style, à la période d'imposition. (...) Il est également possible de trouver ce poinçon sur des pièces antérieures au milieu du XVIIIe siècle (...) car l'édit de 1745 exigeait que « les ouvrages vieux et neufs [...] qui sont et seront fabriqués, soient visités et marqués »." Documentation Le meuble français et européen du Moyen Âge à nos jours de Pierre Kjellberg.
A propos du bois de violette :
"Le Bois de Violette. Nom Botanique: Dalbergia Cearensis. Origine: Brésil.
D'abord appelé "bois violet" à cause de sa couleur, il devient "violette" durant le XIXe siècle, car il y avait confusion avec un autre bois violet, l'amarante. Il fut utilisé à partir du XVII° siècle et sa préciosité le fit appeler "kingwood" par les Anglais.
Très apprécié en ébénisterie, en marqueterie et en lutherie, sa dureté lui donnant une finition particulièrement recherchée.
Sa structure et son veinage rappellent les bois de palissandre (De Rio et de Santos, ce dernier étant un succédané du bois de violette) mais avec un grain plus dur et un veinage nettement plus fin et élégant." Documentation Les fils de J. George & Le Bois de Terry Porter.
A propos du marbre Griotte rouge de Belgique :
"Nom usuel : Griotte rouge (belge) - Dénominations commerciales : Griotte rouge. Improprement appelé Griotte car seule la couleur rappelle la griotte. Localisation : Carrière de Neuville en Belgique. Observations : souvent confondu avec le Rouge royal. Références : château de Versailles." Documentation : Identification des marbres J. Dubarry de Lassale.
Nous n'y trouvons pas de trace d'estampille mais nul doute qu'elle soit l’œuvre d'un ébéniste parisien de premier plan, et possiblement une commande de marchand mercier (ce qui expliquerait l'absence d'estampille, les merciers désirant garder pour eux leur clientèle se faisaient généralement, et en accord avec les réglementations, livrer les meubles non estampillés), la qualité de ses finitions (notamment de la ciselure des bronze sur laquelle nous nous permettons d'insister) va dans ce sens. Elle est à la fois digne et dans le goût des modèles sortis de la boutique de Pierre IV Migeon (on retrouve de semblables poignées de tirage sur quelques commodes portant son estampille, ainsi que principalement sur des modèles de BVRB. Migeon à propos duquel le comte de Salverte nous dit : "Plus scrupuleux que beaucoup de ses confrères, il semble n'avoir signé que ses propres ouvrages, à l'exclusion de ceux dont il s'approvisionnait au dehors") à l'instar de commodes fabriquées par François Mondon ou Louis Delaitre qui lui furent livrées... Quelques temps après avoir noté tout ceci, nous verrons chez deux de nos confrères des chutes d'angles exactement semblables posées sur une première commode estampillée Wolff puis sur une seconde justement estampillée Pierre IV Migeon, ce qui tend à confirmer notre intuition et rendre plus probante encore une attribution à Migeon.
Le meuble, de très belle facture, se présente dans un fort bel état, toujours paré de ses bronzes d'origine et des ses trois grosses anciennes serrures en fer, et pour le marbre, incontestablement XVIIIe et sans accident notable, il est très probablement également celui d'origine.
Meuble restauré et reverni au tampon par notre ébéniste.
Travail parisien d'époque Louis XV. |
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Détail de la qualité de la garniture de bronzes dorés ajourés et finis d'une très belle ciselure :
Chute
d'angle & large (et rare) modèle de sabot.
Entrée de serrure (et rare) modèle de poignée de tirage.
Cul-de-lampe au tablier.
Tous les bronzes poinçonnés au C couronné, ce qui garantit qu'ils sont parisiens,
tous parfaitement d'origine sur la commode et que cette dernière est antérieure à 1749.
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