VENDU

 


COMMODE D' ÉPOQUE LOUIS XIV
ATTRIBUÉE A THOMAS HACHE

Commode-Thomas-Hache-type-parisien-Louis-XIV-attribuée-Thomas-Hache-en-placage-marqueterie-de-palissandre

 
   

 

Commode d'époque Louis XIV en bois de palissandre du Brésil marqueté en frisages et filets, la façade bombée ouvrant par trois larges tiroirs sur trois rangs, le plateau, cerclé d'une lingotière de laiton, à décor géométrique de cercles et demi cercles à frisage en diamant encadrant un large motif central polylobé, les montants et traverses intermédiaires foncés de cannelures en laiton poli, les côtés en placage de noyer à motifs de losanges à frisage en diamant.

Le meuble est paré d'une ornementation de bronzes ciselés et dorés de grande qualité : rares entrées de serrure aux chimères, poignées de tirage à palmettes, mascarons de vieillards barbus (ou atlantes) et chutes feuillagées ajourées, chutes d'angle à coquilles et palmettes et entrelacs de mouvements en C, important cul-de-lampe à mascaron féminin (masque de Céres) flanqué d'acanthes crispées au tablier.

Cette commode est d'une grande élégance, tant par sa garniture de bronze et la qualité de son placage que par son rapport hauteur (modèle bas) - largeur (de plus de 130 cm).

 

Grenoble, vers 1710 - 1715.

 

 

Dimensions : 0,83 m de haut x 1,31 m de large x 0,68 m de profondeur.

 

 

Thomas Hache (1664 - 1747), maître en 1701, est le fils de l'ébéniste toulousain Noël Hache dans l'atelier duquel il débute un apprentissage qu'il poursuit plus tard comme compagnon à Paris puis dans le Duché de Savoie. C'est son mariage avec la fille de l'ébéniste grenoblois Chevalier qui décide de son installation définitive dans le Dauphiné. Il reprend ainsi l'atelier réputé de ce dernier, situé rue Neuve à Grenoble, atelier qu'il développe et dont il élève la renommée jusqu'à s'attirer la faveur du jeune Louis d'Orléans qui se concrétise par l'octroi en 1721 d'un brevet de Garde et Ébéniste de Monseigneur le Duc d'Orléans, ce qui lui ouvre toutes grandes les portes vers la clientèle aristocratique. Son œuvre restera influencée par les marqueteries italiennes et par celles d'André-Charles Boulle, avec un souci constant d'y mettre en valeur les bois des Alpes. Son fils Pierre travaillera avec lui jusqu'à sa mort et son petit fils Jean-François (né en 1730) fera une partie de son apprentissage à ses côtés.

La principale singularité des Hache, la plus déterminante à leur réputation, est d'être les seuls ébénistes de province à avoir égalé les plus grands maîtres parisiens. D'un point de vue d'ébénisterie pure, c'est sans doute Thomas qui se sera le plus rapproché des modèles de la capitale comme on le peut le constater à l'examen de cette commode.

 

 

État : Meuble parfaitement restauré par notre ébéniste, vernis au tampon, se présentant dans son intégrité de bâti et de placage, ses bronzes d'origine ainsi que ses serrures (avec une clé en fer d'origine et deux autres en bronze rapportées).

Note : Nous mettrons en évidence le plateau marqueté cerné de sa lingotière qui est l'apanage des véritables commodes Louis XIV, ce sont évidemment les plus rares car, outre qu'il les désigne comme les plus anciennes, c'est ce même plateau qui leur confère un supplément d'élégance sur celles à dessus de marbre qui viendront par la suite, commodes dites Régence, et fabriquées sur le même schéma (seuls bronzes et bâti évoluerons) jusque pendant la période Louis XV. C'est aussi l'un de ces meubles (et c'est assez rare pour être souligné) qui peut se prévaloir de ravir l'amateur par sa classe très pure et pas du tout tapageuse, tout en ne passant jamais inaperçu, pas même aux yeux du profane.

De l'expertise : Cette commode est fort trompeuse, et ceci résulte de l'application qu'a mis Hache à s'approcher au plus près du modèle classique parisien. Ajoutons que cette commode ne présente pas le très courant ressaut des montants arrière ni tout à fait l'ampleur habituelle des montants avant de Thomas Hache... C'est en observant ses autres bronzes (et surtout après avoir effectué pour une autre commode des recherches sur le fameux cul-de-lampe du tablier), puis la commode elle même à proximité immédiate de cette autre commode en palissandre et noyer dont l'attribution à Hache est incontestable, que nous avons eu un déclic... C'est alors que nous l'avons examinée très attentivement avec notre ébéniste qui nous a confirmé que les côtés étaient bien plaqués de noyer, ce qui a porté notre regard vers le Dauphiné. Après l'avoir confrontée (de visu) à notre commode de Thomas Hache, avec également en mémoire d'autres modèles de Hache restaurés pour nous par ce même ébéniste, nous n'avons plus douté que nous étions probablement en présence d'une commode de Thomas Hache de la première période.

Pour le bâti :
Il est bien difficile de différencier dans leur simplicité et le montage de certaines commode de l'époque Louis XIV fabriquées à Paris et celui des premières commodes de Thomas Hache : fonds des tiroirs montés à recouvrement sur les quatre faces, dos en planches de sapin cloutées, côtés lisses, plateaux simplement bombés, le tout dans une même essence de sapin. Cependant quelques façons lui sont particulières, et nous les retrouvons ici : montants doublés (technique acquise pendant son séjour en Italie), emboîtement des coulisseaux par deux tenons mortaisés dans les côtés, plancher de la commode fixé aux bases des côtés par de grosses queues d'aronde, queues d'aronde apparentes en façade des tiroirs, feuillures pratiquées à l'arrière des côtés et gros clous forgés fixant les planches du dos par lequel se termine le montage du bâti. Ajoutons que nous observons l'absence de traverse sous le plateau, ce qui sous-tend que cette commode a été fabriquée avant l'apparition des marbres (Pierre Rouge avance la date de 1720 pour Thomas Hache).

Pour le placage :
Tout comme à Paris, Hache a recouvert certains modèles presque exclusivement de palissandre (voir les commodes les plus au goût de la capitale dites "à consoles rapportées") mais cependant le placage des côtés en noyer lui est particulier (et notamment presque toujours sur ces commodes susnommées). Le placage de losanges à frisage en diamant des côtés est encore particulier aux deux ébénistes (Doirat et Hache), mais la largeur de la bande horizontale supérieure rappelle bien la manière de Hache. De plus, les tracés géométriques des filets du plateau sont parfaitement dans la tradition de Thomas Hache.

Pour les bronzes :
Les travaux de Jean-Dominique Augarde (Etienne Doirat Menuisier en ébène) ont mis en avant que l'ébéniste Etienne Doirat (1665-1732) avait l'exclusivité de certains modèles de bronzes dont de semblables entrées de serrure aux chimères ou sphinges ainsi décrites par Anne Forray-Carlier (Le Mobilier du Musée Carnavalet) : "sphinges dos à dos, encadrant l'entrée de serrure formée de deux crossettes adossées et surmontées d'un motif rayonnant avec perles". L'utilisation de ce modèle semble se circonscrire à un groupe d'ébénistes de l'entourage de Doirat : Louis Simon Painsun (gendre de Doirat), Jacques Denizot et enfin Pierre II Migeon (1701 - 1758) avec lequel l'hypothèse d'une sous-traitance a souvent été évoquée".
Mais par ailleurs, dans l'ouvrage Le Génie des HACHE, Pierre Rouge souligne l'usage des cannelures de cuivre chez Pierre Hache comme une spécificité propre à Carel, Doirat et François Mondon, et évoquent une possible relation entre Pierre Hache et Mondon (précisons bien qu'il s'agit de l'ébéniste parisien et non de son homonyme -et très probablement parent- grenoblois).
Mais il est cependant un autre artisan qui en fait l'emploi, un ébéniste d'importance, quasiment du même âge que Thomas Hache et d'origine méridionale comme lui.
Et il n'est pas anodin que l'on retrouve aussi parfois les entrées de serrure aux sphinges sur des commodes de François Lieutaud, telles que sur des commodes de François Mondon (ébéniste de trente ans le cadet de Hache) et telles que sur les commodes de Thomas Hache (un modèle présentant des variantes sera utilisé par Pierre Hache par la suite).
On reconnaîtra les mêmes très particulières chutes d'angle de notre commode sur les montants de nombreuses commodes de Thomas Hache et enfin et surtout le fameux cul-de-lampe au masque de Cérès couvrant les tabliers de ses commodes. A propos de ce bronze d'ornement, fréquemment utilisé par Thomas mais également par son fils par la suite, précisons qu'il se décline en trois modèles : le mascaron de Cérès (juste la tête sans les rinceaux d'acanthe), le masque de Cérès (le plus répandu, celui qui agrémente notre commode, avec rinceaux d'acanthe rattachés) et enfin le grand masque de Cérès (modèle élargi dans un cartouche et flanqué de deux bronzes d'acanthe indépendants, ce dernier posé uniquement sur quelques-uns des plus riches modèles "à consoles rapportées"). Nous nous sommes longtemps demandé si les Hache n'avaient pas l'exclusivité de ce bronze d'ornement car nous l'avons cherché sur d'autres commodes de l'époque (tant parisiennes que provinciales) sans pouvoir le trouver. Le plus proche que nous ayons trouvé orne une commode de François Lieutaud, ce qui ne nous a pas vraiment surpris.

 

   
 
 
 
 
  Commode-parisienne-époque-Louis-XIV-Thomas-Hache-XVIIIe  
 

La commode vue de trois quarts gauche.

 
 

 

 
 

Commode-grenobloise-Louis-XIV-riche-ornementation-de-bronzes-ciselés

 
 

La commode vue de trois quarts droit.

 
 

 

 
 
Commode-Epoque-louis-XIV-plateau-à-motifs-géométrique-lingotiere-bronze
 
 

La commode en vue plongeante.

 
 

 

 
 
 
 

La commode en vue plongeante, tiroirs ouverts.

 
 

 

 
   
 

Le plateau en vue plongeante (avec hélas les reflets inhérents au vernis-tampon).

 
 

 

 
   
 

Les côtés de la commode plaqués en noyer de motifs géométriques encadrant
un frisage en diamant avec une large réserve rectangle au sommet.


 
 

 

 
 
 
 

Le montant gauche de la commode avec ses chutes typiques des ornements des Hache.

 
 

 

 
   
 

Les divers bronzes composant l'ornementation de la commode : poignées de tirage aux atlantes
palmettes et rinceaux ajourés de feuillage entrelacé, entrées de serrures aux sphinges adossées,
chutes de montant à palmettes et entrelacs de mouvements en C, large tablier au masque de Cérès.
 
 

 

 
 

 
 

L'intérieur de la commode, tiroirs ôtés. A gauche un détail sur le doublage du montant,
à droite l'une des trois serrures (modèles à double pennes également typiques des Hache).


 
 

 

 
 

 
 

Le dessous de la commode en planches jointives de sapin et ses queues d'aronde
(détail à gauche) mortaisées aux bases des côtés, le dos venant en recouvrement.


 
 

 

 
 

 
 

Le dos de la commode en planches jointives de sapin (renforts posés un peu plus tardivement).
On y voit les feuillures pratiquées à l'arrière des côtés et les gros clous forgés.


 
 

 

 
 
 
 

DOCUMENTATION

 
 


 
 

 
 

 

 
 

 

 
 

 
 

Le modèle d'entrée de serrure aux sphinges de Doirat :
A gauche photographié sur notre commode estampillée Denizot - A droite sur notre commode.


 
 

 

 
 

 

 
 

 
 

Large tablier proche du modèle utilisé par Hache.
Commode estampillé FL pour François LIEUTAUD
Documentation Hôtel des ventes Giraudeau

 
 


 
 

 

 
  Les documents qui suivent sont pour la plupart extraits de l'ouvrage
Le Génie des HACHE - Pierre Rouge / Éd. Faton
 
 

 
 

On voit ici et on lira ci-dessous que, contrairement à une idée reçue, certaines commodes
Louis XIV en D de Thomas Hache n'ont pas de ressaut arrière. A noter aussi les tracés
en losange et en rectangle du côté qui font écho à ceux plaqués sur notre commode.


 
 

 
 

 

 
 

 

 
 

 
 

 

 
 

 
 

Suite de deux commodes d'apparat dites "à consoles rapportées" de goût également très
parisien
, semblablement plaquées sur sapin de palissandre en façade et de noyer en côtés.
On y remarque des entrées de serrure aux sphinges adossées ainsi que des des chutes
de pieds exactement similaires, et sur la première des poignées de tirage d'un modèle
proche tandis que la seconde arbore un cul-de-lampe au grand masque de Cérès.

 
 

 

 
 

 
 

On retrouve sur cette commode Louis XIV un semblable cul-de-lampe au masque de Cérès.
Il orne très souvent les tabliers du modèle le plus courant des commodes "à consoles rapportées"


 
 


 
 

Vente Hôtel Drouot étude Giafferi

 
 

 
 

dont voici un exemplaire. Notons à nouveau les entrées de serrure aux sphinges adossées.

 
 


 
 

Vente Hôtel Drouot étude Tajan

 
 

 
 

Sur la base du montant de cette commode de Thomas Hache on peut voir la même chute
en palmette qui anime le sommet du montant de notre commode. Ce modèle que l'on
rencontre sur nombre de commodes Louis XIV de Thomas Hache est exactement semblable
(détail ci-dessous) si ce n'est une toute petite découpe concave pratiquée au sommet du notre.


 
 

 
 


 
 

 

 
 

 
 

Comparaison de trois plateaux : celui d'une commode d'apparat "à consoles rapportées" de notre collection (vers 1715-1720), de notre commode (vers 1710-1715), et d'une autre commode de Pierre Hache dans l'atelier de Thomas (vers 1730-1740) illustrée p. 243 du Génie des HACHE.
On pourra noter les similitudes dans les motifs de polylobes et de cercles et demi-cercles
.

 
 


 
 

 

 
 

Voici maintenant une commode qui semble complètement être passée inaperçue, ne pas avoir été identifiée, car en effet Pierre Rouge ne la mentionne pas, bien qu'elle figure dans un ouvrage de 1966, "Meubles et Ensembles" Époques Louis XIII et Louis XIV, édité chez Massin, dans lequel elle est présentée comme une commode Louis XIV parisienne, et il en sera de même lors de son passage plus récent en vente publique chez Rouillac. Cette commode, du fait de son style très parisien, n'avait donc pas été attribuée à Thomas Hache, mais nous savons que Hache a utilisé vers 1710-1715 la marqueterie Boulle (voir Le Génie des Hache / planche 72 et une commode mazarine vendue par la Galerie de Crecy) et nous reconnaissons ici, outre la manière du pied avant et du montant arrière à ressaut, toute la panoplie des bronzes d'ornement de Thomas Hache (et en particulier les agrafes de pied en entrelacs de mouvements en C et de tablier au grand masque de Cérès dans un cartouche déroulé, ceci venant confirmer qu'il en avait la quasi exclusivité puisque lorsque nous rencontrons une commode présentée comme parisienne ornée de ces deux modèles de bronzes particuliers, nous sommes bien en vérité confrontés à une commode de Thomas Hache).